Lorenzo Diez |
Dossier réalisé par Cyrille VÉRAN Directeur de l’École nationale
supérieure d’architecture de Nancy, Lorenzo Diez a rédigé le volet innovation
de la Stratégie nationale pour l’architecture (SNA). Sa concrétisation prend
forme dans la région Grand Est, où il impulse, avec l’ensemble des acteurs de
la filière, une politique publique pour l’architecture portée par un nouvel
outil, RÉGION ARCHITECTURE. Dans son livre blanc paru en janvier 2016, l’association
propose 41 mesures concrètes visant à remettre la discipline au cœur du
développement économique et culturel de la région et à rendre plus compétitives
les agences, en favorisant notamment la recherche-développement, l’expérimentation
et les synergies entre laboratoires et entreprises d’architecture. |
D’a : Lors de l’élaboration de la
SNA en 2015, vous avez invité les agences d’architecture à rejoindre le droit
commun des entreprises françaises, sans quoi la recherche dans la discipline ne
parviendra pas à se structurer. Pourquoi cette nécessité ?
Plusieurs
dispositifs nationaux d’aide aux entreprises visent à encourager la
recherche-développement-innovation (RDI) en France. Mais lorsque vous
questionnez les architectes sur la mobilisation de ces financements publics
dans leur modèle économique, la réponse est négative pour la plupart. Ce n’est
pas dans leur culture d’aller chercher des subventions, contrairement à d’autres
domaines comme l’industrie. L’entretien d’une forme de complexité participe à ce
désintérêt des agences, bien occupées par ailleurs. N’est-ce pas surprenant que
le crédit d’impôt recherche se soit ouvert aux agences d’architectures en 2012
seulement, alors qu’il s’applique de droit à toutes les entreprises ? Il
faut donc aider les agences à rejoindre le droit commun des entreprises
françaises afin qu’elles puissent bénéficier de tout l’écosystème d’aides
économiques qui les entoure. C’est un retournement de perspective et on part de
loin. Certes, les architectes sont des acteurs socioculturels et ils
participent à la défense de l’intérêt général. Mais ils sont aussi des chefs d’entreprise
qui ont parfois du mal à se considérer comme tels, leurs partenaires aussi d’ailleurs.
D’a : Vous avez créé, avec un ensemble
d’acteurs, le cluster RÉGION ARCHITECTURE, dans le Grand Est. Sa mission consiste-t-elle
à accompagner cette mutation ?
RÉGION
ARCHITECTURE est une application de la SNA ancrée dans un territoire. L’association
est née d’un travail de coopération collectif, mobilisant les écoles d’architecture,
les Conseils régionaux de l’Ordre des architectes, les CAUE, les Maisons de l’architecture
et bien d’autres, avec la mission de donner à la filière de l’architecture un
rôle moteur dans le développement économique et culturel de la nouvelle région
Grand Est. Dimensionnée aujourd’hui à l’échelle d’un pays de 5,5 millions
d’habitants par la fusion des trois régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne,
elle offre l’opportunité de mettre en pratique ce changement de perception. L’objectif
est de structurer la filière pour la rendre plus compétitive et la positionner
sur le marché européen. L’un des leviers repose sur la promotion, le développement
et la structuration à l’échelle régionale de la RDI en architecture.
Potentiellement, ce sont presque 2 000 entreprises qui pourraient
être concernées et qui pourraient consolider leur compétitivité. Nous avons
lancé une plateforme de coopération régionale qui met en réseau les entreprises
d’architecture, les écoles, les doctorants et laboratoires, ainsi que les
industriels autour des sujets de RDI émergents (matériaux bois, rénovation
énergétique, réemploi, silver economy…).
L’enjeu est bien de renforcer les synergies entre enseignement, recherche et
métier comme le suggère la SNA, pour favoriser les projets expérimentaux et les
pratiques innovantes. Cette plateforme se complète d’une cellule d’accompagnement
et de conseil aux agences d’architecture, d’urbanisme, de paysage, qui a pour
mission de porter à leur connaissance les dispositifs financiers existants
(CIR, CII, Cifre) et de faciliter le montage financier de leurs projets de
recherche.
D’a : Comment concrètement vous y
prenez-vous ?
La première
action est de bien comprendre la culture entrepreneuriale et le modèle
économique des agences pour les accompagner dans leur évolution. Avec Mélanie
Guenot, jeune diplômée en architecture, nous menons une étude régionale sur la
RDI en architecture soutenue par le ministère de la Culture. Nous avons
commencé par auditer un panel varié d’agences et par identifier, avec elles,
les axes de RDI qui pourraient être initiés en rapport avec leurs commandes.
Cependant, il ne s’agit pas d’engager une série d’actions individuelles mais
bien d’installer une culture collective de la RDI qui soit utile à tous, et
susceptible de créer une véritable école régionale reconnue à l’export. RÉGION
ARCHITECTURE entend valoriser la formation doctorale, les chaires de recherche
et d’innovation en architecture et, pour les étudiants, les stages orientés
« recherche » et le contrat Cifre. Cela suppose « d’incuber »
ces jeunes dès le master pour les sensibiliser aux enjeux de la recherche, des
métiers et de leurs mutations. En janvier 2016, devançant toutes les
autres filières, nous avons publié un livre blanc avec 41 propositions
concrètes. Aujourd’hui la dynamique est installée et l’association se développe
et évolue pour devenir une véritable agence de développement régionale
spécialisée dans le domaine de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage. À
terme, nous travaillons avec plusieurs régions d’Europe dans la perspective de
constituer un réseau européen de huit RÉGIONS ARCHITECTURE. Si le modèle dans
le Grand Est s’avère pertinent, cela permettra d’encourager la mobilité des
professionnels et des doctorants et, pourquoi pas, de développer des
« permis de faire » européens.
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