Dossier réalisé par - JOFFROY PASCALE ET GUILPAIN LAURELINE François Taconet, cofondateur
et directeur général de la coopérative d’intérêt collectif Habitats Solidaires,
prône un nouveau modèle d’opérateurs de l’habitat, adapté au redressement des
copropriétés. Dans ces copropriétés, il plaide pour que soit redonné du pouvoir
d’action aux propriétaires pauvres – pauvres économiquement et
technico-administrativement. Il suggère de construire des convergences d’action
entre épargne solidaire et argent public au sein de nouveaux opérateurs de l’habitat. Habitats Solidaires
produit, par ailleurs, du logement à caractère très social et participe à des montages d’habitats
participatif. |
D’a : Quel est l’objet d’Habitats Solidaires ?
Le but d’Habitats Solidaires est d’apporter, sur un socle modélisable, des solutions sur mesure à des situations spécifiques de mal-logement. Habitats Solidaires est en quelque sorte une structure de recherche-action-innovation de maîtrise d’ouvrage sociale et participative. Elle a mis au point une procédure de « portage de lots dans les copropriétés » qui consiste à racheter les lots de copropriétaires défaillants pour rompre un cercle vicieux de mise en péril d’équilibres économiques individuels et collectifs et de dégradation physique des copropriétés. Juste après les émeutes de 2005, elle est intervenue sur la copropriété du Chêne-Pointu à Clichy-sous-Bois (93). Seule puis au titre d’une convention de partenariat avec la mairie de Clichy, elle y a racheté des logements mis en vente au tribunal, propriété antérieure de marchands de sommeil. L’objectif était de remettre ces « lots » dans l’offre de location très sociale. L’intervention à cet échelon permet d’éviter le départ ou l’aggravation des situations des plus pauvres.
D’a :
Comment est né Habitats Solidaires ?
Créée en 2003 à la suite d’une
sollicitation du secrétariat d’État au Logement de Marie-Noëlle Lienemann, la
coopérative émerge de réflexions collectives portées par trois principales
structures associatives disposant d’un savoir-faire en maîtrise d’ouvrage d’insertion :
SNL-Union, Bail Pour Tous et Pour Loger, que je dirige alors. Pour Loger s’est
illustrée dans le relogement de divers squats parisiens, dont le célèbre 7, rue
du Dragon.
D’a :
Pourquoi votre travail dans l’énorme copropriété du Chêne-Pointu n’a-t-il pu
aboutir ?
La convention est
brutalement interrompue en 2011, du fait d’un retrait de la Région des partenariats
de financement. Sur 873 logements du Chêne-Pointu à Clichy-sous-Bois, un
peu plus de 700 seront démolis. C’est une perte de logements colossale. En
amont, beaucoup de copropriétaires seront partis dans des conditions
personnelles et financières désastreuses.
D’a : En quoi est-il si
difficile d’intervenir dans les copropriétés en difficulté ?
La nomination d’administrateurs
judiciaires liée à la dégradation importante des copropriétés dépouille les
copropriétaires de leurs prérogatives individuelles et collectives. Parce qu’ils
ont d’une certaine manière « échoué » à « s’autogérer »,
les politiques et leurs experts deviennent décideurs à leur place. Maîtres d’ouvrage
sur le bien d’autrui… D’un côté un représentant du pouvoir judiciaire, l’administrateur
de justice, de l’autre un opérateur « technico-social » nommé par le
préfet. Le premier a comme donneur d’ordre le tribunal, le second a comme
donneur d’ordre collectivités et préfecture. Dans ce système, les
copropriétaires sont absents de toute commande, et de toute participation
réelle. Cette maîtrise d’ouvrage publique a été renforcée par la loi Alur, qui
apporte de nouveaux moyens par la désignation d’opérateurs publics à ressources
propres dans le cadre des Opérations de requalification des copropriétés dégradées
d’intérêt national (ORCOD IN). On peut s’en réjouir, mais où sont les
citoyens, en l’occurrence les citoyens-copropriétaires ?
D’a : Que
préconisez-vous pour rendre le pouvoir d’agir aux copropriétaires
précarisés ?
Dans les copropriétés en fragilité récurrente et pour
éviter leur administration judiciaire irréversible, je propose que, sur les
sites où la puissance publique a décidé de s’investir, soient créés des
opérateurs de l’habitat d’un modèle nouveau d’économie solidaire mixte. Le
capital de ces opérateurs serait constitué d’argent public et d’argent privé
solidaire/citoyen. Ils seraient copropriétaires parmi les copropriétaires, posséderaient
entre 5 et 25 % des logements d’une copropriété et seraient actifs au sein
du conseil syndical. L’engagement de la puissance publique à moyen-long terme
sur ces sites garantit le maintien ou même l’amélioration de la valeur
patrimoniale. À titre d’exemple symbole : si une partie de l’impôt sur la
fortune immobilière de Bernard Arnault, qui envisage la création d’une école d’excellence
à Clichy-sous-Bois (ou Brigitte Macron devrait enseigner) était consacrée
à des investissements solidaires mixtes sur des copropriétés clichoises
fragiles, au côté d’épargne solidaire gérée des gestionnaires agréés et d’argent
public, n’aurait-on pas là une expression forte de solidarité nationale ?
Propos recueillis par
Pascale Joffroy et Laureline Guilpain
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