Entretien avec Christel Palant-Frapier : "renforcer les synergies entre formations doctorales et les agences d'architectures"

Rédigé par Cyrille VÉRAN
Publié le 03/05/2018

Christel Palant-Frapier

Dossier réalisé par Cyrille VÉRAN
Dossier publié dans le d'A n°262

Enseignante-chercheure à l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles, Christel Palant-Frapier est chargée 2017-2018 par le ministère de la Culture – dans le cadre d’une mission scientifique au Bureau de la recherche architecturale, urbaine et paysagère â€“ de promouvoir la Cifre (convention industrielle de formation par la recherche) auprès des écoles d’architecture, des futurs doctorants et des entreprises d’architecture. Ce dispositif permet aux doctorants d’être recrutés pendant trois ans dans une agence – ou un bureau d’études, une collectivité, une association â€“, une part de son temps de travail étant consacrée à son sujet de thèse. Un moyen de développer la recherche dans la discipline.

D’a : Parmi les mesures annoncées dans la Stratégie nationale pour l’architecture (SNA) de 2015, l’une d’elle était : « 100 doctorants dans les agences d’architecture en 2020 Â». On est très loin de cet objectif aujourd’hui. Quels sont les freins à sa concrétisation ?

L’une des ambitions de la SNA est de former davantage les futurs architectes à la recherche en installant un cercle vertueux entre formation, recherche et métier. Cette mesure en est un des outils opérationnels. L’alliance entre recherche et pratique est une force dont les écoles se saisissent de manière inégale tandis que la culture d’agence l’a encore trop peu intégrée en France. Deux grands défis sont à relever : pallier la méconnaissance des dispositifs de financement de la recherche doctorale, notamment partenariale, d’une part, soutenir la reconnaissance de différentes formes de recherche en architecture d’autre part. La recherche fondamentale, la recherche appliquée ou encore la recherche-action, dans tous les champs disciplinaires enseignés, présentent chacune des atouts tant pour la formation des architectes-doctorants que pour l’innovation dans le monde professionnel.

 

D’a : La Cifre n’est-elle pas justement un moyen de favoriser l’émergence de sujets davantage en lien avec les préoccupations des agences ?

Certainement, dans la mesure où la Cifre, pour le doctorant qui souhaite intégrer une agence, est une clé pour accéder à la recherche appliquée et au développement de l’expérimentation. Ce dispositif est aussi un moyen d’accroître la R&D dans les entreprises d’architecture. Cette convention tripartite d’une durée de trois ans lie un laboratoire de recherche public, une entreprise et le doctorant. La Cifre existe depuis 1981 mais demeure peu connue du milieu de l’architecture. Le ministère de la Culture prépare avec l’ANRT (Association nationale de la recherche et de la technologie, ndlr) et le CNOA une plaquette d’information à destination des écoles et des entreprises d’architecture. Une rencontre nationale aura lieu en fin d’année pour mieux faire connaître ce dispositif, avec l’objectif de renforcer les synergies entre les formations doctorales et les entreprises d’architecture.

 

D’a : Pour une agence, quel est l’avantage financier à engager un doctorant en contrat Cifre ?

L’entreprise d’architecture bénéficie d’un financement de l’ANRT de 14 000 euros chaque année pendant trois ans et, si l’entreprise est éligible au CIR, elle peut également faire valoir une déduction d’impôt de 10 000 euros. Reste donc à sa charge 10 000 euros environ. La répartition du temps de travail du doctorant entre le laboratoire de recherche et l’entreprise qui l’accueille se négocie au cas par cas. Son travail doit nourrir sa thèse et vice-versa. Il importe donc de bien définir le protocole. L’avantage financier ne doit pas masquer l’objectif principal : la Cifre a vocation à favoriser l’emploi des docteurs dans les entreprises et à contribuer au processus d’innovation des entreprises établies en France, quelles que soient leur taille et leur nature.

 

D’a : Comment encourager la recherche, au-delà de la Cifre ?

Sur l’ensemble des doctorants des écoles recensés en 2017, près de 45 % sont financés, dont 10 % à l’aide d’une Cifre. Il y a donc un travail d’information et de pédagogie à mener en amont du doctorat, dès le cycle de master, et en partenariat avec les acteurs socioéconomiques, pour mieux articuler le projet professionnel de l’étudiant, les exigences scientifiques et les enjeux du métier. Pour y parvenir, il faut déjouer certaines appréhensions et raisonner de manière stratégique. De nombreux étudiants qui souhaitent s’engager dans la recherche entrevoient difficilement les liens entre pratiques du métier et pratiques scientifiques. L’enseignement où recherche et projet se nourrissent mutuellement, et gagnent ainsi en qualité, a un rôle prépondérant à jouer dans ce processus d’acculturation. C’est aussi dans l’intérêt des écoles et de leurs laboratoires que les doctorants soient financés, ne serait-ce qu’en termes de dynamique et de visibilité tant internes qu’externes, de renforcement de leur ancrage territorial et de leur capacité d’expertise à faire valoir.

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