Projet PNG associé à Julien Boidot |
Un concours,
organisé par la RIVP, qui est assez symptomatique de la manière dont bailleurs
sociaux, urbanistes et architectes envisagent la réhabilitation de
l’architecture des années 1950… |
Depuis
la porte de Vincennes, remontez vers le nord et suivez la coulée verte conçue dans
les années 1950 sur la zone non ædificandi entourant la capitale
avant la construction du périphérique. Vous serez rapidement envahis par un
sentiment de liberté, le sentiment de marcher sur la ligne frontière entre la
ville et l’ailleurs, la ville et l’utopie de la ville. À gauche, la bande
construite très dense des HBM parisiens qui reprennent avec des matériaux
pauvres et une modénature minimale les immeubles de pierre des quartiers ouest
de la capitale ; à droite, une bande active où des terrains de sport très
animés se succèdent sans discontinuer, tandis que plus loin s’étendent les
voies du périphérique.
Mais
avant d’arriver porte de Bagnolet, votre parcours se terminera par une leçon
d’architecture. À droite face aux HBM se met en scène, en s’éloignant
légèrement de la voie, un immeuble plié comme un paravent de 245 mètres de
long et de 11 mètres de large qui délimite un grand ensemble réalisé en
1954 par Édouard Crevel, comprenant entre autres trois hauts immeubles
parallèles de 13 étages scandant l’entrée dans Paris. Cette barre HLM s’enfonce
dans le sol qui monte pour passer insensiblement de R+6 Ã R+3 et joue avec la
pente afin de présenter à chacun de ses déhanchements une nouvelle séquence
spatiale. D’abord une contre-allée descend pour desservir un rez-de-chaussée abritant
des commerces de proximité : coiffeur, laverie, boulangerie, tabac. Ensuite,
la rue Henri-Duvernois passe en serpentant sous l’immeuble comme sous un pont
pour rejoindre à l’arrière un petit parc protégé. Puis apparaît un socle de caves,
sur lequel reposent sans transition les étages d’habitation scandés par les boîtes
de verre des entrées qui se suspendent à mi-niveau pour venir chercher leurs
occupants. Enfin, l’édifice se soulève au-dessus d’un petit belvédère protégé, surplombant
la chaussée.
L’ensemble de la barre se présente comme une composition savante scandée par les césures des cages d’escalier vitrées entre lesquelles alternent des façades en pierre de taille creusées de fenêtres et des batteries de loggias carrées qui laissent apparaître sa structure en béton. Une partition sur laquelle vient se surimprimer la ponctuation régulière de petits balcons désuets conçus pour qu’une personne seule puisse s’accouder au garde-corps et fumer ou simplement profiter de l’animation de la rue.
Rotule
Mais ce territoire qui se présente comme une enclave va à l’encontre des projets des édiles de la capitale qui cherchent à établir des porosités avec la proche banlieue et ne regardent plus le périphérique comme une fatalité. Les deux tiers de la barre plissée sont ainsi condamnés à la destruction pour connecter au nord le square Séverine au petit parc qui s’agrandira vers le sud en intégrant des terrains de sport jusqu’à la rue Serpollet.
La
rue Henri-Duvernois ne serpentera plus mais s’alignera sur la rue Louis-Ganne.
Quant au reliquat de la construction existante, il se refermera sur lui-même et
se surélèvera afin de composer une rotule capable d’articuler le nouveau parc
urbain et ses futurs plots de logements à la ville dense qui s’étend à l’ouest
le long du boulevard Davout.
Les
projets en compétition se divisent très distinctement en deux catégories :
ceux qui ont reformulé la question posée et ceux qui ont apporté des réponses. Ainsi
les propositions de l’agence png associée à Julien Boidot et du studio Muoto cherchent
à conserver l’utopie moderne inscrite dans les gènes de cette barre HLM des
années 1950, tout en prenant en compte les nouvelles exigences urbaines mais
sans l’humilier inutilement en l’obligeant à imiter l’îlot HBM, son ennemi
héréditaire. Les autres équipes l’ont simplement considérée en termes de
réutilisation, noyant la partie conservée dans la construction nouvelle et
considérant la partie détruite comme un gisement de matériaux à recycler en
suivant à la lettre la volumétrie préconisée par l’étude de faisabilité.
REPARTIR DE LA STRUCTURE
png + Julien Boidot (lauréats)
L’agence
png associée à Julien Boidot n’a pas suivi les recommandations de l’étude de
faisabilité pour tenter de préserver le mieux possible l’intégrité du bâtiment
restant. Elle ne le replie pas sur lui-même le long de la rue dévoyée comme
cela lui est demandé, mais elle en reconstruit la proue qui accueillera des
plateaux de bureaux dans la continuité des dalles de l’existant. Seule une
adjonction basse recouverte d’une toiture végétalisée en permet l’adressage,
tandis que le rez-de-chaussée et le premier étage se vitrent uniformément
derrière les hauts piliers de la structure apparente afin de composer un vaste
portique assurant une transparence maximale entre la rue le parc. Munis d’une
coursive extérieure, ces deux niveaux abritent des locaux d’activité
directement connectés à la ville à travers un paysage remodelé. Quant à la
surélévation demandée, elle étend uniformément ses deux niveaux sur l’ensemble
de la construction pour abriter la crèche et les nouveaux logements. Les piliers
de son ossature bois viennent se superposer à la structure en béton, en prenant
un rythme deux fois plus rapide.
Le
système constructif du bâtiment existant est passé au crible. Comme des
ostéopathes, les architectes ont ausculté avec beaucoup d’attention l’ossature
en béton, pour diagnostiquer : ici, une simple restauration ; là , la
greffe d’un nouveau poteau ou le renforcement d’un autre plus sollicité pour
soutenir les charges des deux niveaux supplémentaires. Ces éléments porteurs sont
dégagés le plus possible du remplissage de pierre afin d’ouvrir de nouvelles
loggias sur le parc. Même stratégie dans les intérieurs qui s’affirment comme
des plans libres dans lesquels viennent parfois coulisser des murs en pierres
recyclées qui apportent leur chaleur pour mieux renforcer l’intimité des
logements.
Le
système de desserte – une cage d’escalier pour deux logements traversants –
n’est pas modifié. Mais ces circulations verticales désormais encloisonnées
sont complétées par des ascenseurs transparents et occupent une travée entière,
traversée de part en part de lumière.
Cette
esquisse exigeante a su développer au-delà de la justesse de son analyse une
réelle empathie avec l’édifice existant. Ses concepteurs ont refusé de
l’obliger à singer un îlot, fût-il ouvert… Comme si, même très modifiée, cette
barre plissée pouvait encore porter l’idée moderne de logements offrant à la
fois la lumière du matin et du soir et des vues profondes sur la ville et sur
la nature.
PRÉSERVER LE RAPPORT AU SOL
Studio Muoto
Plus
radical, le studio Muoto propose une réelle alternative en conservant plus des
deux tiers de l’édifice existant afin de préserver son rapport stratégique au
sol. Seul le dernier plissement est supprimé afin d’assurer au nord la
continuité du parc avec le square Séverine qui s’étend de l’autre côté de
l’avenue de la porte de Bagnolet.
Gilles
Delalex et Yves Moreau ont parfaitement saisi la poésie intense se dégageant de
cette barre qui s’enfonce dans le sol. Aussi, refusant de suivre les
préconisations de l’étude de faisabilité, il la laisse librement divaguer et
cherche à concilier autrement le plan de la ceinture verte des années 1950 avec
celui de la ZAC d’aujourd’hui, qui favorise au contraire les porosités.
Les
rez-de-chaussée sont agrandis et ouverts tandis que les logements sont mis aux
normes et réaménagés sans incidence sur les façades qui sont simplement
restaurées. Pas de surélévation pour ne pas modifier les proportions de
l’ensemble, mais la toiture est déposée pour que le dernier étage reçoive une
structure bois plus légère offrant des espaces plus hauts, posés sur un
plancher technique. Cet attique, qui abrite l’hôtel industriel et la crèche,
s’élance au-dessus de la césure créée pour le passage de la rue Henri-Duvernois
et dessine une grande porte urbaine ouverte sur le parc. Il termine sa course
en porte-à -faux au-dessus du pignon nord pour marquer l’entrée des usagers du
petit équipement de proximité. Traité comme un organisme vivant, l’édifice
existant, très partiellement amputé et à peine rehaussé, conserve ses
proportions et son intégrité.
REPLIER LA PARTIE PRÉSERVÉE SUR ELLE-MÊME
Bauchet & de La Bouvrie
Sur
le plan-masse, le projet conserve sa finesse et semble venir simplement se
plier à angle droit le long de la rue dévoyée. Puis il se recouvre de gangues
qui permettent son ancrage au sol en accueillant les activités facilitant les
relations avec la ville : crèche, commerces, locaux administratifs.
L’organisation des logements laisse les cuisines se glisser à l’est derrière
les circulations verticales existantes, complétées latéralement par les
ascenseurs. Un dispositif de distribution proche de l’original qui permet
d’ouvrir largement les pièces communes sur le parc. Deux matériaux
dominent : la pierre et le bois. La première, recyclée, entre dans la
composition de la structure porteuse de la partie nouvelle accueillant les
activités ; le second, dans celle de l’attique de deux niveaux. À cet élément
majeur semble venir se suspendre les poteaux moisés des loggias ouvertes à l’est
sur le parc. Quant à la façade ouest qui correspond aux chambres, elle voit ses
grandes ouvertures occultées par des panneaux, tout en conservant le plus
possible ses caractéristiques, notamment ses intrigants petits balcons.
ENFERMER
L’ÉDIFICE VIVANT DANS UN SARCOPHAGE DE PIERRE
THE Architects + Archiplein
Le
bâtiment existant, d’abord amputé, est enfermé vivant dans un sarcophage de
pierres tirées de sa partie détruite. Plusieurs couches viennent entourer cette
relique qui perd sa finesse comme la composition subtile de ses façades,
notamment les balcons qui venaient musicalement la ponctuer. Seul est conservé
le rythme des escaliers de desserte, mais les logements réhabilités avec leur
mur séparatif en baïonnette perdent la clarté qu’avaient su préserver les
équipes précédentes. Comme dans la promotion privée : façade, structure et
plans cohabitent plus qu’ils ne forment un tout…
D’abord
des colonnes de pierre viennent à l’ouest délimiter la parcelle. Puis le bloc
bureau ferme au nord la figure le long de la rue qui s’enfonce dans le parc. Au
rez-de-chaussée, l’espace hyper protégé au cœur du dispositif accueille une
cour plantée autour de laquelle s’organise la crèche, tandis qu’à l’est la
façade se dédouble pour filtrer les vues sur les frondaisons des arbres. Sans
doute la partie la plus intéressante de ce projet : la trame des loggias
carrées en pierres porteuses, scandée par les éléments à claire-voie des travées
des circulations, est habilement articulée à celle des ouvertures plus grandes
des plateaux d’activité. Une écriture qui invoque la figure tutélaire de
Fernand Pouillon sans parvenir cependant à la même élégance.
RÉPONDRE AUX PRÉCONISATIONS ET AU PROGRAMME
Neufville et Gayet
Le projet suit l’étude de faisabilité et forme un
triptyque. Au sud, la construction réhabilitée prend garde à ne pas mettre en
crise l’organisation existante. Ainsi de petits ascenseurs viennent-ils se
greffer aux escaliers de desserte des étages sans obérer derrière eux les espaces
habitables. Les rez-de-chaussée sont occupés par des SOHO dont les logements
attenants s’ouvrent sur des jardins privatifs. Tandis que les façades
restaurées sont très peu modifiées ; seul l’attique un peu lourd les
« embourgeoise » malencontreusement. Au milieu, la zone transformée
conserve opportunément l’ancien passage et voit émerger en toiture un huitième
étage correspondant à des duplex. Quant à la construction nouvelle, elle
présente une enveloppe autoporteuse utilisant les pierres recyclées de la
partie détruite et cachant une structure en bois qui accueille les activités,
les commerces et la crèche.
Que dire de ce travail ? Un ensemble de réponses pertinentes aux préconisations urbaines, au programme et à l’injonction de recyclage, mais qui peine cependant à faire projet.
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