CDD ou CDI, comment bien choisir ?

Rédigé par Christine DESMOULINS
Publié le 07/03/2011

Article paru dans d'A n°198

Un CDD ou un CDI ? Comment faire le bon choix lors d'une embauche, selon ses objectifs et sa politique globale ? Dans le cadre du cycle « L'atelier de l'organisation » qu'elle anime à la maison des Récollets, à Paris, pour le conseil de l'ordre des architectes d'Île-de-France, Sophie Szpirglas, directrice de Methodus et conseil en organisation, a récemment fait le point sur ces contrats. Si, contrairement aux idées reçues, un CDI est parfois plus rentable qu'un CDD, d'autres contrats répondent à des problématiques particulières.

Contrat à durée indéterminée (CDI), à durée déterminée (CDD), à durée déterminée de mission, à durée indéterminée de chantier… Lors d'une embauche, l'architecte employeur ou le responsable des ressources humaines s'interroge souvent. Si le droit commun reste le CDI, d'autres contrats peuvent présenter des avantages pour gérer des projets, malgré des coûts spécifiques. Il existe aussi des contrats non salariés, comme celui de collaborateur libéral, cadre logique d'une sous-traitance entre deux architectes ou deux entreprises d'architecture inscrits à l'Ordre. Pour des activités extérieures à la discipline architecturale qui peuvent également être requises dans les agences, on peut avoir recours au contrat de prestations de services. Sophie Szpirglas rappelle qu'en France, en 2009, toutes activités confondues, on comptait 89 %
d'emplois salariés – dont 77,9 % de CDI et 8,2 % de CDD – et 11 % d'emplois non-salariés. Selon elle, cette situation, qui reflète la capacité des entreprises à gérer leur masse financière et à l'anticiper, ne traduit pas celle des agences d'architectes, qui tendent à privilégier les CDD. « En comparant les statistiques générales de l'Insee en 2010 et celles du CNOA pour la même période, on observe une différence notable, ajoute-t-elle. Cinquante pour cent des entreprises d'architecture n'ont aucun salarié et le nombre moyen de salariés dans les agences n'est que de 1,9. Cela traduit la fragilité de ces entreprises : elles recourent à la soustraitance et à des collaborateurs libéraux, au détriment de la pérennisation des ressources humaines qui autorise le développement des savoir-faire, en particulier par la formation continue. »

LE CONTRAT DE TRAVAIL À DURÉE INDÉTERMINÉE (CDI)

C'est la forme de droit commun de la relation de travail. C'est pourquoi l'employeur doit y recourir, sauf s'il justifie d'une situation autorisant un contrat à durée déterminée ou de travail temporaire. À temps plein ou partiel, le CDI peut être rompu: sur décision unilatérale de l'employeur (licenciement pour motif personnel ou économique, retraite), du salarié (démission, retraite), pour une cause extérieure aux parties (par exemple en cas de force majeure) ; enfin, sa rupture peut résulter d'un accord entre les deux parties, selon le dispositif de « rupture conventionnelle » mis en place par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008.
Toute fiche de paye valant contrat, nul écrit n'est obligatoire pour un CDI. Mieux vaut cependant en rédiger un, précisant les points importants abordés lors de l'entretien d'embauche : les horaires ou leur amplitude, le coefficient hiérarchique (qui remplace l'ancienne définition de poste et détermine le salaire minimum selon la convention collective), toute période de fermeture imposant des vacances à dates fixes, la possibilité de travailler durant la période estivale en cas de surcharge de travail, etc. Afin d'anticiper une éventuelle mobilité de l'entreprise en évitant les démissions, l'adresse du lieu de travail peut être remplacée par un secteur régional. Faire figurer une clause de non-concurrence et de propriété intellectuelle des projets permettra au salarié de savoir dans quelle mesure il pourra, à terme, faire état des références et des images produites pour son propre usage. Les questions relatives à la couverture santé et au droit à la formation continue seront aussi mentionnées. La clause sur la période d'essai doit être rédigée avec précaution : la convention collective des architectes n'étant pas réactualisée, le droit commun, plus favorable aux salariés, est retenu en cas de conflit. La règle est la suivante : quatre mois. Si les délais sont dépassés, on entre dans les dispositions d'un CDI. On recommande également de préciser le délai de prévenance pour notifier la rupture.
(Source : Article L1221-22 du Code du travail créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 2 (V)
Les durées des périodes d'essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-21 ont un caractère impératif, à l'exception :
- de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ; (ce qui n'est pas le cas au sein de la convention collective)
- de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 précitée ; (ce qui n'est pas -encore- le cas au sein de la convention collective)
- de durées plus courtes fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.
)

CONTRAT À DURÉE DÉTERMINÉE (CDD): DIX-HUIT MOIS MAXIMUM, RENOUVELABLE UNE FOIS
« Les architectes raffolent des CDD, comme s'ils ignoraient à quoi sert la période d'essai du CDI ! », s'étonne Sophie Szpirglas. On peut néanmoins se demander si la durée légale de cette période d'essai est bien adaptée à la variété des compétences requises par les étapes d'un projet et à la durée de sa production. Lorsqu'une polyvalence est souhaitable, peut-on vraiment l'évaluer en quatre à huit mois? Cela contribue sans nul doute à expliquer l'attrait des patrons pour le CDD, qui comporte pourtant ses règles et ses lourdeurs. « Avec des CDD successifs selon les missions, ajoute Sophie Szpirglas, une agence perd les savoirs capitalisés sur un projet et elle doit verser une prime de précarité de 10 % au salarié au terme de son contrat. La rupture d'un CDI avant deux ans coûte beaucoup moins cher à l'employeur. Et sa période d'essai donne bien plus de souplesse qu'un CDD. » Le CDD ne peut s'appliquer durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il n'est possible que pour des tâches précises et temporaires, dans les cas énumérés par la loi : remplacement d'un salarié absent, d'un salarié passé à temps partiel ou embauché en CDI, remplacement d'un temps partiel du chef d'entreprise, d'un de ses collaborateurs ou d'un professionnel libéral, accroissement temporaire d'activités, travaux temporaires par nature, contrat de mission. En dehors de ces cas, tout CDD requalifié en CDI permettra généralement au salarié d'obtenir les indemnités liées à ce type de contrat. Malgré l'écart de compétences entre études et chantier, un juge pourrait estimer l'ensemble de ces activités indissociables car liées au fonctionnement normal et permanent de l'entreprise, ce qui n'est pas sans poser question. En revanche, recruter quelqu'un pour répondre à un concours relève bien d'un CDD. Le CDD peut être rompu pour trois motifs : faute grave, faute lourde, accord entre les parties. Ce qui a amené à la situation paradoxale de certaines agences qui, lors de la crise de 2008, ont été contraintes de licencier des chefs de projets en CDI pour cause économique, faute de pouvoir licencier des CDD avant la fin de leur contrat.

LE CDD À OBJET DÉFINI OU CDD DE MISSION : DIX-HUIT À TRENTE-SIX MOIS
Destiné au recrutement d'ingénieurs et de cadres, ce CDD mis en place à titre expérimental pour cinq ans par la loi du 12 juin 2008 sur la modernisation du marché du travail, a pour échéance la réalisation d'un objet défini, d'une durée minimale de dix-huit mois et maximale de trente-six mois. Il fait l'objet d'un écrit et est soumis à certaines conditions (Cf. le lien). Pour Sophie Szpirglas, il est bien adapté aux spécificités du travail d'architecte. Sa rupture en fin de mission donne lieu au versement de la prime de 10 %.
Ce contrat peut être pertinent pour rémunérer un chef de projet dès l'esquisse jusqu'au chantier. Si le calendrier du projet dérape, l'employeur court néanmoins le risque que la mission dépasse les trente-six mois légaux. Un CDI peut alors être préférable. Le CDD de mission suppose également de bien définir ce
qui marque la fin de la mission: réception ou levée de réserve, par exemple. Si la fin de mission dépasse le cadre de durée légal, il est toujours possible de requalifier le contrat en CDI, libérant ainsi l'employeur du versement de la prime. Le curseur est donc très souple et les conditions de licenciement éventuel sont les mêmes que pour tout CDD.

LE CDI DE CHANTIER

Avec ce CDI particulier, qui s'apparente en fait à un CDD, la clause de rupture prédéterminée est la fin de chantier effective, le licenciement étant alors soumis à la procédure pour cause personnelle. Si la mission du salarié est terminée mais que d'autres salariés travaillent toujours sur le chantier, ce contrat ne peut être rompu. Il faut donc clarifier ce qui marque la fin du chantier: « purge des réserves, par exemple ». Intégrer l'année de parfait achèvement n'a pas de sens au vu des contraintes de durée. Toute la difficulté consiste à respecter les délais légaux de la procédure de licenciement du CDI, alors qu'on ignore encore la date exacte de fin de chantier deux mois avant l'événement qui déclenche la fin du contrat du chantier. (Attention, le CDI de chantier n'est pas rattaché aux entreprises d'architecture)

LE CONTRAT DE COLLABORATEUR LIBÉRAL: NON SALARIÉ

La collaboration libérale n'est possible qu'entre deux architectes inscrits à l'Ordre. L'absence de lien de subordination et la possibilité de constitution de clientèle personnelle sont des éléments impératifs. Libéral, le collaborateur assume ses déclarations et cotisations sociales et fiscales.
Deux exemples sont téléchargeables sur le site du CNOA  ici. Ils proposent des clauses de non-concurrence et des variantes: durée (déterminée ou non), rémunération (au temps passé ou forfaitaire), collaboration pour une opération spécifique ou non.

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