Le
rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative, établi
par Alain Lambert et Claude Boulard, a
été remis en mars au Premier ministre. Bonne occasion de
faire le point sur les suites d'un autre rapport
dénonçant les problèmes dus à « l'impact
des règles d'accessibilité dans la construction des logements
neufs », remis à la direction de l'Habitat, de
l'Urbanisme et des Paysages en juillet 2012 par les
architectes Emmanuelle Colboc et Catherine Carpentier.
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Les
architectes déplorent l'impact d'innombrables normes sur la
qualité des constructions et malgré ses vertus, la loi sur
l'accessibilité de 2005 fait débat car les effets des règles
contredisent leur objectif en altérant les qualités spatiale et
d'usage. Cette situation paradoxale se cristallise particulièrement
sur le logement, où le coût de production est un paramètre
essentiel. En entraînant une baisse de la solvabilité des
locataires et des acquéreurs, la hausse du foncier a provoqué une
diminution des surfaces habitables qui rend d'autant plus sensible
l'impact normatif : un trois
pièces ne dépasse pas 63 mètres carrés, voire 56 mètres carrés,
contre 70 il y a vingt ans.
Partant
d'une analyse des textes et d'un inventaire
analytique des problèmes posés sur les logements neufs, le
groupe de travail à l'origine de ce rapport a démontré,
exemples à l'appui, l'urgence de modifier certains articles
des textes. Lancé fin 2010 Ã
l'initiative des architectes Emmanuelle Colboc, alors
vice-présidente du Syndicat de l'architecture, et Catherine
Carpentier, il a réuni des architectes libéraux, des élus de
l'Ordre, des architectes-conseils de l'État, des représentants
d'associations de personnes handicapées dont Christian François,
administrateur de l'Association nationale pour l'intégration des
handicapés moteurs (ANPIHM), des responsables du MEDDTL et de la
direction des Patrimoines du ministère de la Culture, des maîtres
d'ouvrage et des représentants des bureaux de contrôle.
Valides
pénalisés, PMR insatisfaits
Ils
ont démonté que l'incidence de la réglementation peut dégrader
les qualités d'un logement pour les personnes valides (séjour
rogné au profit des circulations ou de la salle de bains), sans pour
autant répondre aux attentes des personnes à mobilité réduite qui
font elles-mêmes des travaux d'adaptation ad hoc quand la
règle ne convient pas à leur handicap. Christian François (ANPIHM)
souligne des régressions entre les deux lois sur l'accessibilité
de 1975 et 2005. Habitants, PMR, architectes et maîtres d'ouvrage
considèrent qu'au lieu de suivre l'évolution des modes de vie,
la conception des logements subit celle des normes et des règles,
d'où une perte de surface intelligente et des quiproquos en série.
Si
les réglementations laissent penser que l'application des mesures
normatives crée du sur-mesure, il s'agit plutôt d'un mauvais «
prêt-à -porter » qui incite à s'interroger sur la
normalisation d'une réponse prétendument adaptée à tous les
handicaps, alors que les besoins diffèrent. Pourquoi alors faire
vivre tout le monde dans des espaces qui préfigurent des handicaps
potentiels ? Mieux vaudrait prévoir les dispositifs favorisant
une flexibilité par des travaux simples pour faire évoluer le plan
du logement quand un problème
spécifique se pose.
Revoir
les textes et considérer les spécificités
Le
rapport préconise la révision d'articles de l'arrêté du 1er
août 2006 et recommande des solutions techniques qui permettraient
notamment de continuer à installer une fenêtre devant un évier ou
une baignoire, au lieu de les interdire. Les textes sur l'agencement
des escaliers ou l'accessibilité aux pièces de l'unité de vie
mériteraient aussi d'être revus, car cette notion d'unité de
vie diffère actuellement entre un bâtiment collectif et une maison
individuelle, alors qu'aucune PMR ne mérite de vivre dans une
maison à étage où l'unité de vie n'a ni chambre ni salle de
bains. Très consommatrice de surfaces, l'emprise du débattement
de porte en dehors du rayon de giration d'un fauteuil pourrait être
repensée, comme l'accès aux balcons.
La
prise en compte de spécificités programmatiques et urbaines ou
celle de certains types de logements semblent tout aussi nécessaires.
Ainsi, les chambres d'étudiants doivent toutes être accessibles,
alors que leur surface oscille de 16 à 18 mètres carrés. Or si
toutes les pièces de l'unité de vie (cuisine, salle d'eau,
entrée, chambre) sont conformes aux règles, leur surface totale ne
suffit plus à garantir la qualité d'usage attendue car trouver un
emplacement pour des rangements ou un bureau devient impossible. Il
est donc suggéré, avec l'accord des bailleurs, de limiter
l'application des règles à une partie du parc.
Une obligation d'objectifs serait plus pertinente
Trois questions à Emmanuelle Colboc
Emmanuelle Colboc est architecte. Nous lui avons demandé ce qu'il advient depuis la remise de son rapport à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages du Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Emmanuelle Colboc : Le rapport a
été remis en juillet 2012 à Richard Danjou, adjoint au
sous-directeur de la Qualité et du Développement durable dans la
construction, Marie-Christine Roger, chef du Bureau de la qualité et
de la réglementation technique, et Clément Point, chef de projet
accessibilité, qui fut un élément moteur dans le groupe de
travail. Ils nous ont présenté une première mouture des
modifications des textes en janvier dernier, pas encore officialisée.
J'ai appris que notre travail devait aussi être relayé par les
services de Christine Piqueras à la direction générale des
Patrimoines au ministère de la Culture, pour proposer des
modifications rédactionnelles aux articles que nous avons
identifiés. Il est indispensable que ce travail soit fait rapidement
car nombre de logements continuent d'être construits, avec toutes
les incohérences évoquées. Nous avons également été reçues par
Valérie Lasek, conseillère pour l'Aménagement, l'Urbanisme et
la Construction au cabinet de Cécile Duflot, puis par Claire-Lise
Campion, sénatrice, qui a montré le plus grand intérêt pour nos
travaux auxquels elle a fait référence dans son propre rapport sur
l'accessibilité des personnes handicapées au logement, aux ERP,
aux transports, à la voirie et aux espaces publics, diffusé en mars
2013.
DA :
Dès lors que la loi a apporté des progrès irréversibles,
l'adaptabilité ne serait-elle pas la voie la plus raisonnable en
termes techniques et économiques ?
EC :
Les vertus de la loi de 2005 sur l'accessibilité sont indéniables,
mais il faut remédier à la confusion liée à la rédaction
maladroite de certains textes de l'arrêté ou aux interprétations
qu'en donne la circulaire de 2007. Elle exclut notamment la
possibilité d'abattre une cloison, ce qui relève pour Christian
François d'un défaut d'écriture car le législateur assimile Ã
tort cette cloison à du gros œuvre, interdisant de menus travaux
susceptibles d'apporter une plus-value d'usage à faible coût.
Au stade avancé de la réglementation, la notion d'adaptabilité
s'impose pourtant comme une évidence. En renvoyant à l'idée
d'une obligation d'objectifs à atteindre, elle nous replacerait
au cœur de nos responsabilités, comme le fait la sécurité
incendie avec ses évolutions permanentes et ses instances avec
lesquelles le dialogue est possible. J'ajouterais
que les architectes pâtissent aussi d'interprétations variables
des règles par les bureaux de contrôle et que certaines
réglementations comme la douche à l'italienne sont
catastrophiques pour le vieillissement du logement. I3F notamment
alerte sur ce point.
DA :
Quelles sont les préconisations auxquelles vous tenez
particulièrement ?
EC :
Revenir au bon sens et permettre la discussion. De façon plus
pragmatique, le chevauchement du débattement de la porte et du rond
de giration peut être envisagé sur 35 cm, le fauteuil ne faisant
que 75 cm de large. Cela faciliterait même l'appréhension de la
poignée par la PMR. Ce dispositif a été validé dans le rapport
que nous avons transmis. Cela ne convient certes pas à une personne
en fauteuil électrique qui nécessite de toute façon un logement
infiniment plus adapté. Enfin, les règles de l'art permettent un
taux de tolérance sur tous les matériaux mis en œuvre. Arrêtons
le 0 % de tolérance pour tout ce qui concerne l'application
des normes handicapés.
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