Le cylindre de grès rose marque l'entrée du village le long de la départementale - Studiolada |
Dossier réalisé par Stéphane BERTHIER L’accueil touristique de Plainfaing est un petit édifice manifeste des circuits courts en Lorraine. Il est construit en grès rose des Vosges issus la carrière de Bleurville et sa charpente est faite de bois locaux. Christophe Aubertin de l’agence nancéenne Studiolada s’y est livré à un jeu de construction élémentaire. |
À l’entrée du village de Plainfaing, face à la confiserie des Hautes Vosges, se tient un joli cylindre rose bonbon, posé sur un tapis de pavés de grès. Ce bâtiment qui évoque les œuvres de jeunesse de Mario Botta est entièrement réalisé à partir de blocs de 35 cm x 35 cm x 140 cm qui décomposent chaque lit circulaire de 14,2 mètres de diamètre en 32 éléments horizontaux. La courbure de cet appareil régulier génère un effet de bossage qui texture sa surface en accrochant la lumière. Ses dix lits lui confèrent une hauteur de 3,5 mètres, à peine rehaussée par une fine couvertine de pierre dont on devine qu’elle protège l’étanchéité de la toiture. Une même règle dimensionnelle, basée sur un seul module, règle l’ensemble de l’édifice. Petite subtilité invisible, les pierres des trois derniers lits qui forment l’acrotère sont un peu plus minces afin de dégager une surface d’appui suffisante à la charpente. La forme cylindrique permet en outre de s’affranchir de chaînages et d’autres éléments de contreventement, seules les poutres de la charpente assurent le butonnage des murs. Ainsi, l’appareil régulier de 266 pierres est simplement maçonné avec un joint de mortier de quelques millimètres d’épaisseur.
On y entre par un portique de cinq travées de 140 cm d’entraxe et dont les poteaux sont constitués de pierres de 35 cm de côté. De part et d’autre, deux demi-trames permettent de conserver la continuité du calepinage sans décaler les joints verticaux au-dessus des derniers linteaux. Ce portique abrite un seuil couvert qui donne sur le plan de la façade d’entrée, constituée de menuiseries de mélèze. À l’intérieur, une salle d’accueil du public et quelques locaux de service se partagent le volume habitable. Quatre lanterneaux de toit complètent l’apport de lumière naturelle dans la partie centrale. L’intérieur rend hommage aux bois locaux, épicéa pour la charpente et chêne massif pour le parquet. La carte des ressources et des savoir-faire qui accompagne ce projet insiste sur la proximité des acteurs et révèle le potentiel encore peu exploité de logiques de circuits courts, à la manière des chefs « locavores » qui nous font prendre conscience qu’un choix limité de produits n’est un obstacle ni à l’imagination, ni au plaisir gustatif.
Morceaux de sucre
Mais Christophe Aubertin nous rappelle que cette apparente simplicité, ces dispositions constructives qui semblent évidentes sont le fruit de longues mises au point entre le carrier, intéressé par les dimensions économiquement optimales des pierres issues de la subdivision des monolithes extraits du front de taille, le maçon soucieux de ses conditions de mise en œuvre et l’architecte à la recherche du module polyvalent capable de résoudre les différents aspects du projet. La première maquette en morceaux de sucre avait d’ailleurs vite fait apparaître la question du module comme déterminante et a conduit les architectes à définir une pierre dont la longueur était un multiple de la largeur. La définition des mesures définitives est le résultat de nombreuses itérations entre les acteurs et leur savoir-faire respectifs, chose que le « catalogue » des produits industriels normalisés nous avait fait oublier. Cette relation directe et immédiate entre les matériaux bruts et les différents acteurs qui en partagent la connaissance est aussi une forme de court-circuit de la technostructure contemporaine, en plus de limiter les étapes de la transformation et de diminuer les longs transports, écologiquement préjudiciables.
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