Avec l'inconscient, il y a bien une structure, et il y a bien un espace. Les rêves empruntent souvent leurs figures au bâti. Mais peut-on dire pour autant que l'espace dans lequel ils se meuvent est celui de l'architecture ? Leurs constructions, qui sont celles de l'inconscient, se jouent des repères du monde physique dans lequel nous vivons : en deux mots, ils se meuvent dans un monde tout à la fois familier et étrange.
Lacan a pris toute la mesure de ce paradoxe : il y a construction, et à cet égard l'acte psychanalytique n'est pas étranger à celui de l'architecte. Mais l'espace de cette construction, en même temps, n'est pas entièrement de l'ordre du représentable. Aussi, pour en rendre compte, Lacan dépassera la représentation tridimensionnelle en faisant usage de la topologie, puis de la théorie des nœuds. Cette évolution ne fut possible qu'en mettant en évidence l'analogie entre la structure de l'inconscient et celle du langage. Ce n'est, en effet, qu'à partir du langage, de ses raccourcis, de ses paradoxes et de son rapport toujours étroit et toujours distendu avec le réel que l'on peut observer les processus de bâtisseur qui sont ceux de l'inconscient.
Entre affinités et étrangeté, ce dossier prend le risque de s'aventurer sur ce bord labile qui sépare et réunit à la fois psychanalyse et architecture. Non pas de la démarche assurée de celui qui, muni d'un paradigme explicatif ou d'une grille de lecture infaillible, marcherait vers la vérité ultime du fait architectural. Mais plutôt du pas rêveur et hésitant du promeneur curieux qui, se laissant emporter par le fil des associations, se met à l'écoute des résonances que se renvoient les deux disciplines.