Architecte : FAA Rédigé par Emmanuel CAILLE Publié le 06/10/2013 |
De la plus pertinente à la plus imbécile, la livraison simultanée cet été de deux grands espaces publics parisiens donne l'opportunité d'analyser deux manières différentes d'agir sur la ville. Alors que l'une parvient à concilier échelle territoriale et locale, patrimoine et contemporanéité, l'autre, plaquant une idéologie simpliste et déplacée sur un site patrimonial exceptionnel, peine à occuper un espace qui ne lui est pas destiné.
Les aménagements de la place de la République, qui datent de 1884, étaient obsolètes depuis longtemps. Lieu de forte intensité d’usages urbains, à la circulation laborieuse et à la forte charge symbolique, elle était devenue terriblement inhospitalière. Lorsqu’en 2009, la Ville de Paris lance une consultation, sa mutation était depuis longtemps indispensable. Contrairement à la place de la République, conçue pour la circulation des calèches à cheval, les voies sur berges de la Seine ont été, dans les années soixante, spécialement aménagées pour la circulation automobile afin de soulager l’espace public des quais. Elles étaient d’ailleurs un des rares axes parisiens de circulation fonctionnant correctement. La promenade routière qu’elles offraient était l’un des plus beaux travellings urbains du monde. Leur transformation en espace ludique ne répond à aucun besoin, contredit les ambitions écologiques affichées de la municipalité, trahit au mieux un cynisme démagogique, au pire une incompréhension des enjeux contemporains de la ville.
BERGES DE SEINE : TON CHAKRA SUR LE BITUME
Le nouvel aménagement des voies sur berges rive gauche ne relève malheureusement pas d’une même pertinence urbaine. Entendons-nous bien : pour un promeneur, les ports de Solférino, des Invalides et du Gros Caillou sont indiscutablement devenus plus agréables que lorsqu’ils étaient réservés à la circulation rapide. Sous le soleil d’été, tout y est d’un goût parfait : les trucks food bio, « Mikados » et autres poufs géants sont « hypersympas ».
On peut certes se demander si des murs d’escalade, des tipis à goûters d’enfants, des conteneurs à sieste et des bananiers en pots sont à leur place devant l’une des berges les plus prestigieuses du monde par l’architecture de ses hôtels particuliers, ministères, musées et instituts. Passons encore sur l’imposture de l’argument écologique, puisque pour un espace donné à des piétons qui n’en demandaient pas, des embouteillages bien plus polluants sont déplacés sur les quais juste au-dessus, et que les bacs à fleurs en acier ne font pas avancer la nature dans la ville, bien au contraire.
Ce qui
d’emblée frappe, c’est que tout le talent de l’équipe de scénographes et
de gentils organisateurs – qui a pourtant déjà fait ses preuves
ailleurs – de ce Paris-plage sans sable ne pourra jamais parvenir à remplir
un espace bien trop grand pour l’usage qu’on veut lui donner. Ces voies qui,
rappelons-le, sont inondables et doivent donc pouvoir être libérées en
quarante- huit heures, ont été conçues à l’échelle d’une
infrastructure. Les marelles et autres pistes de sprint peintes sur le bitume
peinent à occuper l’espace qui se distend dangereusement entre la station
de « massage Paname relax », les barres du « coaching parcours
sportif », le « bagels bar bio » ou la « plateforme mikado à chakras ». Place
de la République, le public a investi naturellement l’esplanade, mais pour
« les Berges », afin de légitimer cette opération au moins par la
fréquentation, il a fallu mobiliser le puissant service de communication de
la Ville, nombre de gentils organisateurs et des services privés de
sécurité pour faire venir touristes et promeneurs. D’ailleurs, il
n’est qu’à observer les autres kilomètres de promenades existantes sur les
berges. Depuis longtemps accessibles mais peu entretenues, elles sont peu fréquentées.
Ainsi, face à la « douche sonore » et à la « terrasse à 1 000 pattes » installées
au port des Invalides, les charmants ports de la Conférence et des Champs-Élysées
de la rive droite, qui bénéficient pourtant d’une bien meilleure exposition,
n’attirent personne et l’architecture n’y est pour rien.
Veuillez lire à ce sujet notre : Plaidoyer pour la voie G. Pompidou.
Maître d'ouvrage : Ville de Paris. Artevia : ingénierie culturelle, pilotage du projet, production. Lille3000 : définition du concept, conception des manifestations, cohérence globale. Carat Sport : conseil sportif, support à la programmation. Franklin Azzi Architecture (FAA) : conception, réalisation et suivi des travaux des aménagements – BET : paysagisme, Bureau Bas Smets ; signalétique, Change is good – Comité de pilotage : Alain Thuleau (Artevia), Didier Fusillier et Thierry Lesueur (lille3000), Olivier Bischoff et Julien Guagliardo (Carat Sport) et Franklin Azzi (FAA) – Direction de l'équipe opérationnelle : Annette Poehlmann – Direction de production : Pierre Grand – Direction technique : Alain Menuau.
Maîtres d’œuvre : Amas (architectes mandataires), FBAA (architecte associé), Sara de Gouy (arch… [...] |
Maîtres d’œuvre : Guinée*Potin (architectes), TUAL (BET fluides, environnement), ESTB (structur… [...] |
Maîtres d’œuvre : tact (architectes) ; PLBI (BET structure)Maîtres d’ouvrage : SNCF Gares &am… [...] |
Maîtres d’œuvre : DATA (architectes mandataires), Think Tank (architectes associés), EVP (ingé… [...] |
[ Maître d’ouvrage : Groupement local de coopération transfrontalièreArchitectes : Devaux &… [...] |
Clermont-Ferrand[ Maître d’ouvrage : client privé – Maître d’œuvre : Récita architecture … [...] |
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