Le projet de la Maison pour tous, réalisé sur la commune du Four dans l’Isère par les étudiants du design/buildLAB de l’ENSA de Grenoble, est une démonstration des possibilités de l’apprentissage expérientiel (apprendre par le faire) développé par les architectes-enseignants Marie et Keith Zawistowski. Tous deux formés au Rural Studio de Samuel Mockbee dans l’Alabama (États-Unis), ils essaient désormais de transférer cette méthode pédagogique en France, dans une école d’architecture qui dispose déjà d’une solide expérience en la matière, grâce à ses engagements passés dans le concours Solar Decathlon. Leur studio de master poursuit cette spécificité qui fait partie de l’identité de l’École de Grenoble, mais ce projet a ceci de novateur qu’il a pour objet la réalisation d’un équipement public dans un village et se confronte ainsi à l’ensemble des règles et responsabilités classiques de l’acte de bâtir.
Ce projet est lancé dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé par l’ENSA de Grenoble et la communauté d’agglomération Porte de l’Isère (CAPI) à l’attention ses communes. La commune du Four a alors proposé un programme pour un lieu de rencontre et de réunions des habitants et de leurs associations. Ce projet portait aussi l’ambition de construire durable en favorisant les ressources locales telles que le pisé et le bois. Pour rendre possible la réalisation d’un équipement public dans le cadre d’un partenariat universitaire sans faire courir de risques légaux aux acteurs, la maîtrise d’ouvrage a bénéficié de l’expertise juridique de la Région Rhône-Alpes-Auvergne pour interpréter subtilement les textes de lois. Dans les faits, le montage de l’opération est une coopération entre deux entités publiques : l’ENSA de Grenoble et la commune du Four, avec le soutien des architectes-enseignants et des entreprises de construction.
Le projet est développé par les étudiants de master 1 durant le premier semestre, avec les habitants, selon un processus participatif. Cette première phase conduit à l’élaboration d’un avant-projet sur lequel les enseignants, en leur qualité d’architectes, signent le permis de construire et engagent leur responsabilité professionnelle. Parallèlement, le maître d’ouvrage passe contrat avec des bureaux d’études techniques et de contrôle qui apportent leurs expertises, en intervenant régulièrement à l’école lors de la phase de conception puis sur le chantier. Ces derniers sécurisent ainsi le développement constructif du projet réalisé dans un cadre pédagogique. Des artisans locaux engagés dans la démarche apportent eux aussi leur contribution sous forme d’un « mécénat de compétences ».
Un vent d’optimismeLa réalisation de l’édifice a lieu durant le second semestre universitaire 2017-2018. Les 21 étudiants du design/buildLAB sont alors impliqués sur le chantier et interviennent sous la tutelle d’artisans confirmés qui leur transmettent ainsi leurs savoir-faire. Afin d’optimiser les délais très courts imposés par le calendrier universitaire, une part importante des éléments de construction a été préfabriquée, pour partie aux Grands Ateliers, pour partie dans les structures des entreprises. C’est en effet l’agenda pédagogique annuel qui a dicté le planning de chantier mais, réciproquement, l’organisation des enseignements a nécessité de nombreuses adaptations pour coller à la réalité de l’exercice, en intégrant notamment des séquences d’enseignement intensives durant des semaines pleines dédiées au projet. Au final, le chantier, commencé en mars 2018, a été livré en septembre de la même année, permettant ainsi aux étudiants de réaliser de leurs mains le projet qu’ils avaient conçu au premier semestre.
La réussite de ce projet a de quoi nous rendre optimistes. Elle nous montre qu’une organisation coopérative et horizontale, fondée sur l’échange et le partage, permet de mener à bien un projet, dans des conditions de coût et de délai meilleures que celles d’une opération classique, très hiérarchisée et parfois aliénante. Il est important de saluer ici l’engagement de tous ces acteurs qui, parce qu’ils partageaient un projet commun et une motivation certaine, ont su inventer un cadre juridique et pédagogique adéquat pour parvenir à leurs fins. Cette expérience oppose un démenti aux discours ambiants sur la normalisation extrême des processus de conception et de construction qui empêcherait toute forme originale et alternative de l’acte de bâtir. Toutefois elle suppose, comme toute démarche innovante, un alignement des intérêts des participants, mais aussi un engagement et une dépense d’énergie très importante pour ouvrir ces nouveaux chemins prometteurs.
Maître d’œuvre : master AE&CC de l’ENSAG, accompagné par OnSite architecture
BET : Be Vessière, TEB (fluides), TAKT Paysage, Gwenola Hage, Alpes Contrôles
Programme : maison associative
Surface : 145 m2
Coûts : construction, 575 060 euros TTC ; aménagements extérieurs et paysagers, 73 650 euros TTC
Calendrier : études, 6 mois ; chantier, 7 mois ; livraison : novembre 2018