Architecte : Cusy Maraval Rédigé par Cyrille VÉRAN Publié le 18/10/2022 |
Pour
faire advenir la sociabilité au sein d’un nouveau quartier d’habitat du centre-ville,
Gilles Cusy et Michel Maraval ont soigné tous ces détails ordinaires, attachés
à la sphère domestique, qui concourent à rendre l’espace public plus
aimable : la hauteur d’un muret séparatif, la profondeur d’un seuil, une
vue filtrée sur un jardin privatif… Leur mise au point accompagne un travail fouillé
sur l’épannelage des logements et leur matérialité pour insérer avec justesse l’opération
immobilière au sein du tissu faubourien et en prolonger les qualités.
Une fois n’est pas coutume dans cette rubrique consacrée à l’actualité des réalisations architecturales, l’opération de 280 logements située passage Clemenceau à Montpellier s’est achevée voilà trois ans. Plus encore que pour tout autre programme, ce recul offre l’intérêt d’observer la manière dont les résidents ont investi cette forme d’habitat, à contre-courant des programmes immobiliers stéréotypés qui poussent dans la ville occitane quand ils ne versent pas dans l’architecture spectaculaire, l’Arbre blanc de Sou Fujimoto en constituant la version la plus iconique à ce jour.
Il faut dire qu’à rebours de la tabula rasa qui donne prise à ces
opérations-là, la parcelle affectée aux logements – une friche issue de la
démolition d’un lycée professionnel déménagé ailleurs – se situe en plein
tissu faubourien. Les typologies en présence, maisons modestes ou cossues,
hangars et immeubles de rapport, ont déjà insufflé une âme au quartier avec
leur cortège de cours, impasses, porches et ruelles. Pour les architectes
Gilles Cusy et Michel Maraval en charge du projet urbain, ce contexte particulier
invitait à renouer avec une caractéristique fondamentale de la ville sédimentée :
la sociabilité que peut générer l’espace public, et plus encore sous un climat
méditerranéen, quand on lui accorde une pleine attention. Penser son armature, sa
gradation du collectif à l’intime, susciter des relations apaisées et riches en
potentialités d’usages : le projet urbain se cristallise autour de ce
travail, en procédant par analogies avec la ville existante pour la prolonger
sans tomber dans le pastiche.
Comme
un village
Face à un programme particulièrement touffu – maisons
de ville, logements intermédiaires et collectifs, locatif et accession,
résidence séniors et ateliers-logements d’artistes –, la méthode a
consisté à rechercher les formes urbaines susceptibles d’avoir un impact
positif sur la perception de l’espace public. Les volumétries se sont affinées en
maquettes, puis ont été retranscrites dans un dessin aussi détaillé que si les
architectes avaient à réaliser l’ensemble de l’opération, bien que le foncier soit
découpé en cinq lots confiés à plusieurs promoteurs et maîtres d’œuvre. Une étape
nécessaire, selon Gilles Cusy, avant de déshabiller à l’os ce projet pour en
extraire des règles précises sur les volumétries, hauteurs, retraits,
matériaux, etc., et déjouer ainsi l’écueil d’un collage d’architectures voulant
chacune se démarquer.
La composition urbaine repousse aux marges de
l’ancienne friche les logements collectifs à R+4 pour déployer la domesticité
des maisons de ville au contact d’une venelle ouverte aux passants. Avec sa placette
et ses ramifications, elle innerve l’îlot et le traverse de part en part dans
un jeu de plans et d’arrière-plans du bâti, lequel s’épaissit de loggias, terrasses
et redans.
Complétant ce travail sur la forme urbaine, des
dispositifs architecturaux simples concourent à faire émerger une sociabilité :
un muret pas trop haut pour parler avec son voisin ; un escalier d’accès extérieur
à la maison superposée pour supporter des pots de fleurs ; un seuil épais
sur lequel s’asseoir. Figurent aussi dans ce répertoire tous les jardins
privatifs entraperçus au travers des grilles. Chacun est planté d’un arbre en
pleine terre et contribue à façonner l’armature végétale, finalement très
présente, de l’espace public (les parkings souterrains sont reportés sur les
lisières de la parcelle). Ces aménagements, et toutes les possibilités d’usages
qu’ils génèrent, participent de l’aménité de la rue, mais aussi d’un contrôle
bienveillant. « Se promener en ville est une valeur à laquelle nous
pensons qu’il est encore possible de donner du sens […], énoncent les architectes.
La qualité de la rue est directement liée à la “fertilité” de ses rives, à la
capacité de l’architecture qui la borde de participer à son mouvement. »
Déjouer
la privatisation
Un soin particulier est porté à la matérialité,
jusqu’aux pas-de-porte des habitations. Le béton désactivé, coulé en place,
dessine de grandes dalles entrecoupées de joints enherbés et flanquées sur un
bas-côté de plants de graminées. Même égalité de traitement pour les voies de
desserte dévolues à l’accès pompiers et aux camions de déménagement. Avec les
luminaires suspendus, le quartier s’imprègne d’une ambiance tout aussi
méditerranéenne que tokyoïte, une influence ici assumée par les architectes.
Anticipant le risque si courant d’une
éventuelle privatisation qui empêcherait la traversée des passants, une
servitude d’utilité publique est assujettie à la ruelle. Le règlement de la copropriété
stipule en effet que le moindre changement de son statut doit être voté en
conseil municipal. Gilles Cusy le reconnaît, tout a été mis œuvre pour
« tenir » le caractère public de l’opération. Le dernier des cinq
lots, en chantier, affecté à de l’habitat participatif, devrait d’ailleurs
enrichir un peu plus la déambulation dans le quartier avec un escalier urbain
débouchant sur le boulevard.
On se promène dans les allées et le regard se
porte sur les cours et jardins plus ou moins filtrés par la végétation, les
clôtures et murets en béton ou bois, peints en blanc, intégrant discrètement
les boîtes aux lettres, digicodes et coffrets des concessionnaires. Dans l’une
d’elles, ombragée, des habitants prennent leur pause déjeuner à même le sol. En
cette saison d’été caniculaire, les jardins potagers adossés à l’un des mitoyens
semblent délaissés, mais sans doute est-ce provisoire. La perplexité survient
cependant lorsqu’on découvre des panneaux affichés sur les quatre faces de la
placette rappelant les règles d’usages de cette « propriété privée »
et tout ce qui est interdit (jeux, bruit, regroupement au-delà de 22 heures).
Pour éviter les « nuisances », les bancs massifs intégrés aux murs se
sont même transformés en jardinières, laissant percevoir depuis quelques mois le
repli des habitants dans ce havre de paix.
Maîtres d'ouvrages : Kaufman & Broad (lots A et C) ; Pitch Promotion (lot B) ; M&A Promotion (lot D)
Maîtres d'oeuvres : : Cusy Maraval Architectes (lots A et D) ; perris.perris architectes (lot C) ; Christophe Gulizzi architecte (lot B) ; Architecture Environnement P.M. (habitat participatif) ; Verdier (BET structure) ; BG Conseil (BET fluides et thermique) ; Bérim (BET VRD)
Entreprises :
Surface SHON : 12 800 m2 (emprise du terrain) ;
19 500 m2 SDP (comprenant l’habitat participatif)
Cout : 26,3 millions d’euros HT (valeur 2018)
Date de livraison : études, 2012 ; livraison, 2018 ]
Maîtres d’œuvre : Amas (architectes mandataires), FBAA (architecte associé), Sara de Gouy (arch… [...] |
Maîtres d’œuvre : Guinée*Potin (architectes), TUAL (BET fluides, environnement), ESTB (structur… [...] |
Maîtres d’œuvre : tact (architectes) ; PLBI (BET structure)Maîtres d’ouvrage : SNCF Gares &am… [...] |
Maîtres d’œuvre : DATA (architectes mandataires), Think Tank (architectes associés), EVP (ingé… [...] |
[ Maître d’ouvrage : Groupement local de coopération transfrontalièreArchitectes : Devaux &… [...] |
Clermont-Ferrand[ Maître d’ouvrage : client privé – Maître d’œuvre : Récita architecture … [...] |
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