Architecte : RCR Rédigé par Emmanuel CAILLE Publié le 01/04/2015 |
Passer de la conception d’un musée dédié au peintre de l’outrenoir, du goudron et du brou de noix à un projet de centre d’art à Nègrepelisse, dans le Tarn-et-Garonne, pourrait laisser soupçonner l’existence de quelques liens obscurs. Il n’y a pourtant aucun rapport entre Soulages et les charbonniers du Quercy, dont la pelisse noircie de bois brûlé a donné son nom à cette bastide à l’est de Montauban. Ce chef-lieu de 5300 habitants s’est vu offrir un lieu consacré à la création artistique sur un thème original mais en accord avec son environnement rural : art, alimentation et ancrage territorial.
Stéphanie Sagot, initiatrice du projet et aujourd’hui directrice de La Cuisine, est une spécialiste des pratiques artistiques « portant sur l’infiltration de l’art dans les réseaux du quotidien ». À travers le thème de l’alimentation, le centre d’art s’est donné pour objectif de questionner « les us et coutume de la table et, implicitement, les enjeux et le devenir d’une époque du consommable » (www.la-cuisine.fr). C’est pourquoi aux espaces d’exposition habituels de ce type d’institution (auditorium, bibliothèque) a été ici adjointe une cuisine. Le choix du site s’est porté sur l’emplacement du château de Nègrepelisse, un édifice du XIIIe siècle dont il ne restait que la base de la courtine et des quatre tours d’angle ainsi qu’un petit corps de logis. Placé à l’extérieur de la bastide, à la tangence d’une boucle de l’Aveyron, ce quadrilatère de 50 mètres de côté formait une esplanade en avancée sur la vallée. Vu de la rivière en contrebas, les murs d’enceinte gardaient encore une hauteur suffisante pour rappeler la silhouette médiévale de ce monument. Le choix le plus prudent eut été d’agrandir le corps de logis existant et de préserver la place formée par l’ancienne cour, dont la courtine arasée laissait voir un beau point de vue sur l’Aveyron. Mais c’eut été confirmer la disparition du château. En accord avec l’architecte des bâtiments de France, Mariano Marcos, et soutenus par la DRAC, les architectes ont préféré retrouver l’idée de la cour quitte à renoncer à l’effet de belvédère. Il a donc fallu dans un premier temps restituer une partie des murs, démolis au XIXe siècle, avant d’y appuyer le nouveau bâtiment en périphérie.
INTENSIFIER PAR LE VIDE
Quelle architecture pour un centre d’art en milieu rural ayant pour ambition de « s’infiltrer dans les usages quotidiens » et d’initier des « processus de coopération cherchant à refondre la place de l’art dans la société » ? Comment échapper à l’ostentation élitiste de l’art contemporain, qui trop souvent met à distance sans pour autant céder à la démagogie du néovernaculaire ? Les architectes répondent avec un parti simple et inattendu : repousser les salles en périphérie contre la courtine et fermer le lieu au paysage pour intensifier l’urbanité de la cour. Celle-ci devient le centre du projet, à la fois place publique et espace de distribution vers lequel convergent toutes les salles. Renvoyant à la place à arcades du bourg, une coursive crée un effet de cloître, abritant de la pluie pour le passage d’une salle à l’autre et protégeant du soleil les vitrages toute hauteur. La cuisine, les espaces d’exposition, l’auditorium, la bibliothèque et l’administration sont ainsi mis en relation par ce vide qui devient lieu d’échange et de sociabilité.
ROMAN ET MÉTALLIQUE
Il fallait encore inventer une écriture architecturale qui puisse se greffer naturellement sur cette ruine médiévale. Parce que c’est un langage qu’ils maîtrisent remarquablement bien – que l’on songe aux caves Bell-Lloc ou au musée Soulages – et parce que, depuis la réhabilitation par Carlos Scarpa du Castelvecchio de Vérone, il est devenu l’instrument privilégié du dialogue entre histoire et présent, les architectes ont choisi l’acier brut. Le matériau, malgré son aspect brut, autorise une précision et une lisibilité des articulations qui donnent une forte cohérence à l’intervention contemporaine sans qu’elle n’envahisse trop visuellement la ruine existante. Seul le sol reste ici minéral, comme pour prolonger les murs d’enceinte jusqu’au centre de la cour et donner à l’ensemble un socle commun. Matériau massif, brut et mince à la fois, l’acier se fait structure, toiture, menuiserie, parement, claustra, mobilier ou grille de sol. Il donne à voir le bâtiment comme une construction unitaire à nu dont chaque élément est indissociable du tout. Si l’architecture de RCR peut parfois être qualifiée de romane, c’est sans doute à l’aune de ce rationalisme constructif. Quelle soit zénithale ou latérale, la lumière y crée de savants jeux de clair-obscur, mais toujours atténués, absorbés par la sombre matité du métal oxydé. Elle n’est jamais flamboyante ou démonstrative, d’où souvent le sentiment de recueillement qu’elle suscite. Certes subjective, cette impression confère à leur architecture cette tonalité hiératique qui séduit ou agace tant les autres architectes.
Maîtrise d’ouvrage : Mairie de Nègrepelisse
Maîtrise d’œuvre : RCR Arquitectes (R. Aranda, C. Pigem et R. Vilalta), G. Trégouët architecte associé ; en collaboration avec : T. Marca (architecte), Grontmij (bureau d’études TCE) P. Laugier, S. Lima ; intervenants : Direction régionale des affaires culturelles Midi-Pyrénées, architecte des Bâtiments de France
Entreprises : Rodrigues Bizeul (ouvrage pierre), Bourdarios/Chevilley (gros œuvre maçonnerie, charpente métallique couverture), Bourdoncle (menuiserie acier, métallerie, serrurerie)
Shon : 1190 m² ; surface utile : 856 m² ; extérieurs : 2 612 m² (cour : 954 m², coursive : 480 m²)
Coût : 3,64 millions d’euros HT (dont 674 331 euros HT de restauration des murs), soit 2 496 euros HT le m² hors restauration, 71 175 euros (mobilier)
Calendrier :
concours, 2008 : livraison, mars 2014
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