Élise Flick, poétique de l'impur (ou comment je me suis perdue à Pékin) ©Élise Flick |
"Il faisait noir encore, déjà . J'ai longé un panneau publicitaire
longiligne et sans fin, une
barrière de chantier illuminée de blancheur qui en faisait un trait
éblouissant. De l'autre côté, des saules alignés créaient avec
leurs branches un plafond protecteur.
Plus
tard, au bout de ma promenade, j'atterrissais dans le parc d'une
luxueuse résidence. La nuit tombée était dense et lourde. Seules flottaient des milliers de
petites guirlandes immobiles qui avaient été posées sur des haies
de buis noirs. Comme je ne distinguais rien, pas même mes pieds, ni
les arbustes, ni les parois lointaines des bâtiments, les lampions
minuscules semblaient suspendus autour de ma taille, comme
ensorcelés. Ils m'avaient tissé une robe de lumière
immense...".
Élise Flick
|
Il peut paraître étrange de présenter un travail d'écriture au travers de photographies. À vrai dire, les images que nous exposons ne sont pas tout à fait des photographies, même si elles partagent avec elles l'essentiel : une lumière équivoque, fade au-dehors, mouvementée au-dedans / une impression flottante - définie, mais lointaine... Le flou est le corollaire d'une exigence de précision qui disperse la forme en nuages d'éléments pour dire, sans préjugés, la beauté des choses... Les images d'Élise affleurent au sein d'une étendue paysagère continue, faite de mise à distance et d'intériorité, d'analyse attentive et de proximité troublante... Elles constituent les miroirs épars d'un texte quotidiennement formulé, qui n'a rien à voir, malgré son mode de production apparent, avec un journal de bord... Sur la profondeur sourde des mots, les images nagent en surface, comme les feuilles d'un arbre déployé dans la durée oblongue d'un dépaysement. L'appareil photographique, comme une caméra embarquée, enregistre, dans les limites de sa technologie défaillante, ce paysage concret qui nous absorbe et dont les mots d'Élise restituent les configurations comme les strates d'un territoire mental qui en constituerait le double. Parfois la lumière pénètre dans le boitier par effraction et impose, par soustraction de la chair altérée de l'image, un format carré. Peu importe. Le reste de la série demeure dans la convention apaisée du paysage. Dans ce monde incertain, dont nous saisissons de jour en jour l'implacabilité, apprivoiser l'espace commun et les pratiques qui s'y nouent, même avec un bric-à -brac de fortune, s'apparente à un rite de survie... par-delà l'aura ternie des images, Élise nous transmet de ce monde inconnu quelque chose comme un souffle...
Élise Flick, poétique de l'impur, du 12 avril au 7 juin 2013, commissaire de l'exposition Joseph Abram, Association La Première Rue, Unité d'habitation Le Corbusier, Briey-en-Forêt
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