Laurent et Emmanuelle Beaudouin © Léo Beaudouin |
L’immeuble des Tiercelins, la première réalisation de cette
agence créée à Nancy dès la fin des années 1970, a immédiatement été remarqué par
Kenneth Frampton. Le célèbre historien anglais l’a considéré d’emblée comme l’un
des exemples français les plus probants du régionalisme critique, le concept qu’il
a développé – après Liane Lefaivre et Alexander Tzonis – pour
qualifier une architecture qui reste moderne tout en étant plus contextuelle et
urbaine. De nombreuses réalisations ont suivi, notamment le musée des Beaux-Arts
de Nancy (2012), ainsi que des fréquentes collaborations amicales avec les
Pritzker Prize Álvaro Siza et Eduardo Souto de Moura… |
Les dernières réalisations de l’agence marquent cependant une rupture, par leur expressivité inaccoutumée : la médiathèque Charles-Nègre construite avec Ivry Serres en plein cœur du centre ancien de Grasse – Prix d’a 2022 – et le Lumen à Saclay – le Learning Center du grand pôle universitaire francilien, inauguré en début d’année et conçu avec l’équipe espagnole MGM. Écoutons cet architecte paradoxal qui a commencé à construire alors qu’il était encore étudiant et qui a, toute sa carrière, poursuivi sa formation…
D’a : Alors que vous n’avez pas
suivi l’enseignement de Ciriani, certains de vos projets, notamment la
médiathèque de Poitiers (1992-1996), restent influencés par Le Corbusier…
Quand Emmanuelle et moi nous avons commencé à travailler
sur ce projet, nous rentrions d’un voyage en Inde où, sans être particulièrement
corbuséens, nous avons été très impressionnés par son Palais des filateurs à
Ahmedabad. Ainsi, dès les premières esquisses, nous avons pris ce bâtiment comme
une contrainte supplémentaire, afin de prendre du recul et de ne pas répondre littéralement
au programme du concours qui nous demandait simplement d’agrandir un bâtiment
existant. Nous avions compris que le contexte réclamait un nouvel édifice
autonome et compact, capable d’engendrer une forte intériorité : un grand
espace commun accueillant les livres et les lecteurs. Resserrer le volume dans
une surface presque carrée entre les constructions existantes nous donnait
aussi la possibilité de créer un jardin et un parvis d’entrée tout en ouvrant l’édifice
sur la ville…
D’a : Vous avez été amenés par la
suite à réaliser de nombreuses bibliothèques…
Oui. Pour nous, une bibliothèque, c’est un (...)
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