Architecte : dbo architectes Rédigé par Pierre CHABARD Publié le 21/10/2022 |
Sur les côtes normandes, une nuée de lieux muséaux et mémoriaux sont aujourd’hui consacrés au Débarquement, attirant une masse croissante de visiteurs. Le site de la batterie de Longues-sur-Mer, tel qu’il vient d’être magistralement réaménagé par dbo architectes (Debarge, de Bellaigue, Ordynski) est l’un des rares qui rendent sensible l’ampleur territoriale de cet évènement monstre.
Arromanches 360, Overlord Museum, musée D-Day Omaha, Airborne Museum, D-Day Experience… la plupart des musées qui ont fleuri dans la région proposent des expériences confinées et immersives, des dioramas théâtralisés mettant en scène des collections hétéroclites d’objets d’époque : affiches, armes, accessoires, uniformes, véhicules blindés, avions, barges de débarquement, éléments d’infrastructures de défense, etc. À Longues-sur-Mer, rien de tel, seulement un fragment du mur de l’Atlantique, muet depuis presque quatre-vingts ans, figé dans sa posture à la fois inquiète et menaçante face l’horizon marin : quatre casemates en batterie, en retrait de 250 mètres par rapport à la falaise et, à l’aplomb de celle-ci, un étonnant centre de commandement panoramique d’où émanaient les instructions de tir. En visite libre, l’endroit était jusqu’à présent saturé par une fréquentation en hausse (plus de 400 000 visiteurs par an) et un stationnement anarchique et mal pensé (le meilleur point de vue, au bord de la falaise, était occupé par une aire de camping-cars).
Basée à Lille mais très implantée en Basse-Normandie du fait des attaches familiales d’Adrien de Bellaigue, l’agence dbo architectes remporte, avec les paysagistes catalans Michèle & Miquel, le concours pour le réaménagement du site à la fin de l’hiver 2020. Tendue entre les échelles extrêmes de ce paysage, leur proposition parvient à instaurer un dialogue puissant et silencieux entre le point et l’étendue, entre l’inscription dans un lieu singulier et l’universalité de l’horizon marin, entre un acte constructif précis et un projet scénographique subtil qui révèle, par le refaçonnement du sol et des cheminements, la grande géographie de ce site de guerre.
Tour d’horizon
C’est d’abord un projet de chorégraphie des flux : dévier légèrement la route départementale et relocaliser les stationnements à l’extrême sud du terrain dans un parking paysager strié de noues et de haies bocagères. Filtres et ombrages, celles-ci canalisent les visiteurs vers une allée principale dont le talus leur masque en partie les casemates et les oriente vers le nouveau bâtiment d’accueil, où ils trouveront services et aménités. Intriguant monolithe de béton-sable, celui-ci semble se résumer à une longue dalle de 55 mètres par 7,30 mètres, soulevée comme la pierre d’un dolmen, orientée est-ouest avec la précision d’une boussole, et surtout légèrement inclinée, comme pour mieux accueillir le public sous son généreux porte-à-faux. À mesure qu’on s’en approche s’accentue le clivage entre le sol, parfaitement horizontal, sur lequel il se fonde, et le terrain naturel qui s’élève en pente douce. Si bien que le volume, comme tapi, hésitant entre enfouissement et soulèvement, n’émerge qu’à peine des champs qui le séparent de la falaise. Lointain écho des tranchées défensives que les Allemands y ont creusé et des innombrables cratères que les bombardements alliés de juin 1944 y ont laissés, ce remodelage du sol s’appuie sur une compréhension fine de la topographie existante et s’attache à la clarifier avec économie, limitant le décaissé à 80 cm et équilibrant déblais et remblais. Soustrayant le paysage au regard, cette levée de terre verdoyante contre laquelle se cale le nouveau bâtiment participe à une scénographie du suspens et de la rétention qui diffère la découverte des bunkers, en ralentit la dramaturgie.
Pause et point de rebroussement du parcours, le nouvel accueil précède l’ascension vers le théâtre des opérations. Formant une patte-d’oie avec l’allée du parking, le chemin vers les casemates part en biais et suit une ligne droite et ascendante, aussi tendue qu’une projection balistique. Un double effet scénographique intensifie l’expérience : dans l’espace d’accueil, l’inclinaison de sa toiture ralentit d’abord la perspective, comme si le bâtiment paraissait plus court qu’il n’est ; puis la géométrie du chemin creux, à la fois en pente et en entonnoir, l’accélère au contraire, mettant à distance, ex-posant littéralement la première casemate et son surplombant profil à redents. À mi-pente, ce point de fuite est soudain concurrencé par le dévoilement de l’horizon, au moment où le regard émerge du sol et découvre enfin le grand paysage ouvert, balayé par le vent côtier. À l’apogée du chemin, la visite du premier bunker inaugure le parcours muséal proprement dit, une grande boucle qui égrène les trois autres postes d’artillerie de la batterie, bifurque vers la mer pour descendre vers le centre de commandement, longe la falaise jusqu’à une échancrure panoramique d’où apparaît au loin ce qui reste du port artificiel d’Arromanches, puis revient vers le bâtiment d’accueil. Point de départ et d’arrivée, celui-ci apparaît au retour non plus comme un volume mais comme un sol, dans le prolongement des champs. La grande toiture inclinée devient une terrasse que l’on gravit jusqu’à un ultime point de vue d’où le paysage, celui du Débarquement mais aussi des plus antiques invasions, peut enfin être saisi d’un seul regard circulaire voire encyclopédique.
Maîtres d'ouvrages : Bayeux Intercom (maîtrise d’ouvrage déléguée pour Bayeux Intercom, le département du Calvados, le Conservatoire du littoral et la commune de Longues-sur-mer)
Maîtres d'oeuvres : : dbo architectes (mandataires) / Michèle & Miquel (paysage) / Claeyman (structure) / Delta Fluides (réseaux bâtiment) / Géodis (VRD) / NJC (économie)
Entreprises : Zenone (gros œuvre), Seb‐Foucault (couverture/étanchéité), CTI‐BAT (menuiseries extérieures/serrurerie), groupement Eiffage route / Vallois (aménagements extérieurs)
Surface SHON :250 m2 (nouveau bâtiment), 2,7 hectares (projet de paysage)
Cout : 1,73 million d’euros HT
Date de livraison : concours, hiver 2020 ; livraison, mai 2022
Maîtres d’œuvre : Amas (architectes mandataires), FBAA (architecte associé), Sara de Gouy (arch… [...] |
Maîtres d’œuvre : Guinée*Potin (architectes), TUAL (BET fluides, environnement), ESTB (structur… [...] |
Maîtres d’œuvre : tact (architectes) ; PLBI (BET structure)Maîtres d’ouvrage : SNCF Gares &am… [...] |
Maîtres d’œuvre : DATA (architectes mandataires), Think Tank (architectes associés), EVP (ingé… [...] |
[ Maître d’ouvrage : Groupement local de coopération transfrontalièreArchitectes : Devaux &… [...] |
Clermont-Ferrand[ Maître d’ouvrage : client privé – Maître d’œuvre : Récita architecture … [...] |
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
CLASSEMENT PAR CHIFFRE D’AFFAIRES DES AGENCES D’ARCHITECTURE FRANÇAISES (AU CA SUPÉRIEUR À 1 …
Chaque année, d’a publie un classement des agences d’architecture par chiffre d’affaires. Celui-ci repose uniquement sur des données financiè… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6
L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |