Des ailes pour Roland-Garros - DVVD Architectes & Ingénieurs et ACD Girardet & Associés © Christophe Guibbaud/FFT/Serge Ferrari |
Est-il révolu, le temps où il fallait, dans la précipitation,
dérouler une bâche pour protéger la terre battue du court central de
Roland-Garros, au moment où se jouaient des finales mémorables sous des cieux
menaçants ? Parmi les différents travaux de modernisation du site
– le nouveau bâtiment de la FFT (Chaix & Morel) et le court
Simonne-Mathieu (Marc Mimram) –, le court central Philippe-Chatrier a subi
d’importantes transformations. Rénové et rendu confortable pour un montant de
120 millions d’euros par ACD Girardet & Associés (architectes
mandataires*), il est désormais doté d’une toiture rétractable et pliante d’un
hectare signée des architectes et ingénieurs de l’agence DVVD. Un mastodonte
d’acier et de textile de plus de 3 000 tonnes. |
Adosser une toiture rétractable sur un
court de tennis en s’appuyant sur les pourtours de l’existant – sous
lourdeurs apparentes – est à la fois une histoire d’architecture et
d’ingénierie mécanique qui touche à l’aéraulique, au confort thermique, à la
maîtrise des jeux d’ombre et de lumière et à l’acoustique. Car une fois le
stade entièrement recouvert, le climat intérieur ne doit pas entraîner de
nuisances aux dépens du confort des joueurs et des spectateurs. Rodée à cet
exercice, l’agence DVVD bénéfice d’une expérience en termes de structures
mobiles partout dans le monde depuis une vingtaine d’années. Ce savoir-faire
lui a permis de remporter le concours en 2009, basant entre autres son scénario
sur l’évocation de l’aéronef de Roland Garros – le célèbre aviateur
français qui donna son nom au stade en 1928. À tire-d’aile Reprenant l’image des voilures des premiers appareils de l’histoire de
l’aviation, la toiture rétractable est constituée de onze ailes mobiles de
320 tonnes chacune, tenues par des poutres d’acier (fabriquées par
l’entreprise italienne Cimolai). En complément des éléments structurels galbés
et mobiles, les architectes se sont orientés vers une toile tendue qui a déjà
fait ses preuves en architecture textile – une trame polyester
précontrainte, enduite de PVC en double face. Translucide, elle a fait l’objet
de traitements différenciés. À l’extérieur, 15 000 m2 de
membranes composite Flexlight TX30 de Serge Ferrari (confectionnées par
l’entreprise Tensaform) ont été choisis pour des questions de légèreté, des
qualités d’imperméabilité et une faculté à se replier facilement – en l’espace
de 15 minutes, comme le préconisait la Fédération française de tennis. À
l’intérieur, pour des raisons acoustiques, 9 000 m2 de
toiles Alphalia Silent AW se chargent d’absorber 65 % des bruits
– mélange d’acclamations du public, d’amortissements des balles sur les
raquettes et de cris des joueurs appuyant la puissance de leurs smashs. Une fois la toiture refermée, un éclairage
artificiel a été prévu pour compenser les baisses potentielles de lumière
naturelle et répondre aux besoins des retransmissions télévisuelles. Par
conséquent, les toiles ont été choisies pour apporter une luminosité homogène,
et les structures qui les supportent minimisées pour éviter les effets d’ombre
portée sur la terre battue. D’ailleurs, la toiture a été voulue compacte (les
ailes et les poutres ne dépassent pas les 3 mètres de haut) sans qu’aucun
élément technique ne soit visible et ne déborde sur le court. En position repliée, par beau temps, la couverture positionnée au plus près
des gradins se glisse au nord de l’édifice, limitant l’impact de son ombre.
Chaque aile s’encastre dans la précédente, ce qui permet de passer d’une
couverture de 100 mètres de long à un auvent de 30 mètres seulement.
« Même si les dispositifs de toitures rétractables sont devenus fréquents
dans les grands stades, il faut souligner l’échelle incroyable de celui-ci,
plus important qu’un terrain de foot, rappelle Daniel Vaniche, architecte et
ingénieur associé chez DVVD. Ce qui rend ce projet unique est le fait que la
toiture embrasse à la fois la surface du terrain et celle des gradins. Pliée,
elle couvre la tête des spectateurs et, ouverte, elle préserve une ambiance de
plein air. » École d’aéraulique Pour garantir un maintien des conditions
climatiques en position fermée et obtenir des garanties quant à la résistance
du dispositif avec les changements météorologiques, les architectes et
ingénieurs ont procédé à de nombreux tests en amont qui ont également aidé à
limiter la quantité d’acier et de toile mise en œuvre. Des essais en soufflerie
ont été effectués au CSTB pour calculer les effets du vent sur la maquette. Par
ailleurs, la porosité de la toile employée participe de la bonne qualité de
l’air à l’intérieur de l’enceinte, et permet d’éviter les courants d’air ainsi
qu’un indésirable effet de serre. « En plein centre de court, une aile au
vent peut bouger de 1 mètre », précise Daniel Vaniche, qui insiste
sur la porosité du dispositif pour la ventilation. « Une toiture
complètement fermée aurait obligé à doubler les issues de secours pour des questions
feu. » Dès le début des phases de conception, l’intégration d’un bureau d’études
spécifiquement dédié à la mécanisation et à la motorisation de l’ensemble des
ailes (ISM) a contribué à la réussite du projet. Disposés en quinconce sur une
crémaillère, des bogies latéraux à trois roues se déplacent sur un chemin de
roulement horizontal de part et d’autre du court. Tout ce dispositif est
contreventé par deux tours de béton réservées aux pompiers, sans alourdir le
bâtiment. « La force de ce projet innovant s’appuie sur une grande
simplicité mécanique. Cette toiture ne se résume pas à des plaques glissant
l’une sur l’autre comme c’est habituellement le cas, mais on a onze ailes qui
s’imbriquent ensemble, avec une cinématique évoluée mais simple. À partir d’un
seul prototype d’aile, nous nous sommes débrouillés pour qu’il n’y ait aucun
ATEX ». À l’heure où nous écrivons ces lignes,
tandis que la finale est exceptionnellement prévue pour la mi-octobre, nul ne
peut présager si l’automne nous fera la faveur de généreuses pluies – rien
que pour le plaisir des la voir stoppées net par ce fascinant éventail mécanique.
Mais si une simple averse survenait – comme le veut le rituel –, la
fameuse bâche serait déroulée à la hâte pour protéger la terre battue de
Roland-Garros. [ Maîtrise d’ouvrage : Fédération
française de tennis (FFT) – Maîtrise d’œuvre : DVVD Architectes &
Ingénieurs et ACD Girardet & Associés (architecte mandataire du court
central) – Entreprises : Vinci Construction France (entreprise générale),
Cimolai (mécanisme mobile et production poutres acier) – BET : ISM
(mécanique et commande), Lamoureux Acoustique (acoustique) – Toiles
techniques : Serge Ferrari (fabrication), Tensaform (confection) – Budget
(études et travaux) : 40 millions d’euros HT – Surface :
1 ha (couverture) – Calendrier : livraison, avril 2020 (10 mois
de chantier) ]
* Note de la rédaction : Dans l’édition imprimée #284
d’octobre 2020, une confusion dans l’introduction à l’article a été faire entre
l’agence ACD Girardet & Associés (architecte mandataire du court central)
et l’atelier CDG (Carrière Didier Gazeau) – ce dernier ayant inopportunément
été nommé, sans rapport avec le projet. Nous présentons nos excuses auprès des
auteurs du projet par l’accessibilité de l’article en ligne. |
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