Gens architectes, chai du domaine Les Béliers, Ancy-Dornot, Moselle |
Dossier réalisé par Emmanuel CAILLE |
Brosser le panorama de cette
tendance de l’architecture française actuelle nous a certes poussé à commettre
des généralités. Restent des manières communes d’envisager l’architecture
autrement. En réaction à une architecture qui se serait compromise dans la
marchandisation de ses valeurs et ne se serait renouvelée qu’en se parodiant
elle-même, les nouvelles générations semblent vouloir revenir à une forme d’authenticité,
voire de naïveté. Beatriz Colomina rappelle
combien les protagonistes du brutalisme britannique avaient été façonnés par la
guerre, en tant que combattant, comme James Stirling, ou plus simplement comme
témoin de la violence des bombardements qui ont détruit les villes anglaises. « La
guerre rend le pop et le brutalisme inséparables. […] le brutalisme a-t-il été
marqué par la Seconde Guerre mondiale comme l’avant-garde historique l’avait
été par la Première Guerre mondiale ? Le postmodernisme est-il en grande
partie le produit de ceux qui ont été épargnés par la guerre, protégés par le
monde universitaire ou abrités dans des pays non combattants10 ? » Je me demande si la génération
du « simple, c’est plus » n’est pas celle de la crise de 2007,
acculée au consumérisme incontrôlable et destructeur de notre environnement ?
Le retour à une architecture réduite à ses fondamentaux, à la frugalité, à la
banalité et à l’esthétique de la ruine n’est-elle pas un rappel à l’ordre, une
réaction positiviste à la collapsophobie ambiante ?
Débarrassés de toute
rhétorique stylistique, des architectes voudraient par leur hyperpragmatisme
atteindre une vérité originelle. La commande ne relevant que très rarement de l’exceptionnel,
il faudrait tirer de la banalité du réel la matière du projet et transformer l’ordinaire
en extraordinaire. Recomposer, assembler, structurer ces éléments pour en
extraire ce qu’ils ont de plus beau. Mais aujourd’hui le trivial n’est plus le
banal – au sens de la chose commune, partagée –, c’est le kitsch de
la consommation de masse. Et le trivial d’hier, désormais gage d’authenticité,
est devenu le nouveau chic. La banalité n’est plus cet univers constitué d’objets
simples et rudimentaires d’autrefois ; la recherche d’un langage neutre et
épuré ne condamne-t-elle pas alors son architecture à l’inintelligibilité
envers un monde qu’elle prétend faire habiter, n’est-elle pas tout autant une
pure construction culturelle, une autre rhétorique qui peut se révéler aussi pesante
que celle de l’académisme architectural11 ?
Quel sens enfin y aurait-il à célébrer l’ordinaire si l’ordinaire ne s’y
reconnaît pas ? N’y a-t-il pas une contradiction inhérente à vouloir atteindre
une forme d’innocence par un langage qui suppose une conscience aigüe de cette
innocence ?
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