Christine Leconte, Johannie Bouffier-Hartmann et Jean-Pierre Lévêque |
La fin du premier tour des élections ordinales
régionales s’est déroulée le 2 février pour élire les représentants du
Conseil Régional de l’Ordre des architectes d’Île-de-France (CROAIF). En région
parisienne, seulement 16 % de votants se sont mobilisés lors de ce premier
tour. Deux listes se présentent : Mouvement
des Architectes et Défense profession
architecte. Nous avons effectué un entretien croisé avec trois personnes
impliquées dans ces élections ordinales de la région francilienne :
Christine Leconte (présidente du CROAIF), Johannie Bouffier Hartmann (candidate pour son deuxième mandat avec Mouvement des architectes) et
Jean-Pierre Lévêque (issu de la même liste et élu lors du premier tour). Le
deuxième tour des élections ordinales se tient jusqu’au 8 mars 2021, 16h, pour
les sept conseils régionaux n’ayant pas encore affectés tous leurs sièges. Les
candidats ayant obtenus le plus de voix seront élus. |
D’a : Quels sont les enjeux de ces élections et
le renouvellement des conseils de l’Ordre des architectes régionaux ? Pourquoi
les architectes doivent-ils se mobiliser pour cette nouvelle mandature ?
Christine Leconte : Les conseils régionaux de l’Ordre des architectes se renouvellent par
moitié tous les trois ans et les candidats élus le sont pour six ans. Le
président l’est tous les trois ans. Je suis présidente sortante du CROAIF issue
de la liste Mouvement des architectes.
L’enjeu de ces nouvelles élections est d’avoir une continuité dans les
objectifs que l’on s’est fixés : plus de solidarité entre les architectes,
une parole politique renouvelée, des problématiques liées aux territoires. Nous
voulons continuer à répondre également aux questionnements de la profession Ã
l’heure actuelle : l’écologie, l’économie des ressources, la réparation de
l’existant, la réhabilitation. D’autres problématiques liées à la profession et
à la formation sont centrales dans la vision que nous portons : la
formation, l’économie des agences, la structuration des agences, la formation
de nos jeunes. Il est question d’enjeux macro-régionaux qui sont ancrés
dans le territoire. Comment continuons-nous ce travail d’ouverture vers les
autres acteurs, qui a été mené depuis six ans. Ce réseau est constitué et ne
demande qu’à faire émerger des réponses aux enjeux de notre territoire
métropolitain dense. Les architectes ont besoin d’une parole forte par rapport
aux problématiques qui les concernent – le logement et l’habitat – mais également face aux enjeux de l'urbanisme
comme par exemple ceux de la mobilité, de la gestion de l'espace public. Nous
devons avoir une présence politique forte avec des personnes compétentes. Elles
doivent à la fois être expertes dans leur domaine et s’intéresser aux
problématiques des architectes dans leur diversité, il y a vraiment un
double-rôle à avoir et à assumer en tant qu'élu. Aujourd’hui nous avons besoin
d'être portés par le vote des architectes. L’Ordre des architectes représente
la profession en France et a une mission politique d’intérêt général auprès des
pouvoirs publics, ce qui explique l'enjeu et le fait que les architectes
doivent se mobiliser. Le premier des engagements c’est le vote, nous envoyons
donc ce message : prenez possession de vos institutions et
votez !
D’a :
Comment mettre en perspective ce vote pour les élus régionaux avec celui pour
les conseillers du Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA) ? En
quoi voter au niveau régional garantit une continuité de la représentabilité au
niveau national ?
Christine Leconte : Ce qui émerge du vote au niveau régional permet ensuite de porter des
politiques qui seront débattues dans l’instance nationale directement avec l'État.
Beaucoup de questions que posent les architectes sont directement liées au
Conseil national de l’Ordre : la déontologie, la formation, la mutation du
métier mais surtout les prises de positions stratégiques des politiques
publiques plus globales et le plaidoyer pour l'intérêt général de l’architecture.
Il faut être partie prenante dans les politiques publiques afin d’affirmer le
rôle important de l’architecte et ne pas être oublié. Au niveau national, il y
a ce rôle fédérateur des acteurs que nous devons assumer et de l’intérêt public
propre à la discipline. D’autant plus dans ce contexte de crise sanitaire où la
question d’un logement qualitatif émerge à nouveau. Nous sommes plusieurs Ã
débuter un rapprochement entre régions. On parle beaucoup entre conseillers de
toutes les régions et il est important de poursuivre ces échanges avec la
volonté de rénover l’Ordre national. Pour cela nous avons besoin d’élus moteurs
et motivés en région car c’est ensemble que nous y arriverons. Il y a un enjeu
local fort ici en Île-de-France : nous représentons un tiers de la
profession ; et à la fois un enjeu à dimension nationale du fait que ce sont
les élus régionaux qui voteront pour les élus nationaux en juin prochain.
Jean-Pierre Lévêque : Nous sommes dans un période charnière car le siège du président du
Conseil national de l’Ordre des architectes sera remis en jeu puisqu’il ne peut
pas prolonger son mandat. Il y a plusieurs sièges qui se libèrent et une
ouverture est possible pour faire avancer de nouveaux sujets dans cette
instance.
D’a: Quelles
thématiques nouvelles la crise actuelle met-elle en lumière au sein de ces
instances ?
Johannie Bouffier Hartmann : L’enjeu est l’évolution et la transformation du cadre de vie de
nos concitoyens par rapport à la crise sanitaire, climatique, écologique. C’est
aussi l’évolution de la profession, des pratiques et conditions d’exercice du
métier. Il est important pour les architectes d’utiliser le vote pour légitimer
leur parole portée auprès des pouvoirs publics. Mouvement des architectes se positionne comme allant de l’avant
pour aborder la nouvelle ère qui se présente à la société et faire de notre
diversité une force de changement. Plusieurs thèmes-clés sont portés par notre
liste : la solidarité, la question de l’égalité femmes/hommes au sein de
la maîtrise d’œuvre et l’ouverture de l’Ordre des architectes. Ces éléments
concernent la profession mais, plus globalement, il s’agit d’œuvrer au cœur du
vivant et du cadre bâti avec des enjeux d’harmonie et de respect des
territoires. Il faut réinterroger la manière de construire, tout comme la
conception des espaces, intérieurs et en relation avec l'extérieur, que ce soit
pour le neuf ou la réhabilitation. Il s'agit de réorienter les processus de
fabrication du bâti et de la ville, au service de l'humain, habitant, usager,
et non à la merci de pressions excessivement financiarisées. Un autre axe majeur
que nous portons est le partage et la diffusion de la culture architecturale
avec le grand public, les maîtrises d’ouvrage et les élus, les particuliers,
les entreprises et l'ensemble des acteurs du cadre de vie avec lesquels nous
dialoguons.
Jean-Pierre Lévêque : Au travers de tous ces sujets il y a quelque chose qui est
transversal, qui concerne la position centrale de l’architecte dans le domaine
de la construction et qui se doit d’être porté par l’Ordre des architectes en
France. À ce titre, la situation sanitaire nous a fait passer dans un autre
paradigme. Les spécialistes du logement et ceux de la ville deviennent
pléthoriques et l’architecte a de plus en plus de mal à se positionner en tant
que généraliste de la ville et de la construction. Les raisons de cette situation
sont liées à un monde de plus en plus complexe. Face à cette complexité, le
spécialiste semble rassurer, quand le généraliste parait moins compétent, alors
que par son recul, il assure justement la cohérence de l'ensemble. L'architecte,
cet acteur central est plus que jamais nécessaire pour articuler ces savoirs,
les assembler, et les intégrer. Sans perdre de vue l’objectif majeur qui est
l’humain au centre de tout ce que l’on construit et que l'on conçoit. Trop
souvent, au travers de nos expériences professionnelles, nous sommes confrontés
à cette dilution de la responsabilité vis-à -vis de ces enjeux majeurs que sont
la ville, la réhabilitation, le changement climatique. Au centre de ces sujets,
il nous semble que la voix de l’architecte est centrale, c’est véritablement ce
qui nous habite, et ce que nous voulons porter.
D’a : Il y a un renouvellement important de
la liste Mouvement, avec de
nombreuses nouvelles personnes…
Jean-Pierre Lévêque : C’est ce qui m’a semblé intéressant dans la constitution de la
liste : la recherche de diversité, de représentativité. En l'occurrence,
il y a tout à la fois des personnes qui travaillent en profession libérale,
aussi bien pour des particuliers que pour des copropriétés ; certains sont
employés par des collectivités territoriales et d'autres sont associés au sein
d’agences de tailles importantes. Cette diversité fait la richesse de cette
liste et la rend représentative et légitime, c’est ce qui m’a poussé Ã
participer à cette aventure.
D’a : Qu’est-ce que vous pourriez dire aux
jeunes architectes, et aux personnes qui ne sont pas encore bien aux faits de
l’Ordre des architectes ?
Jean-Pierre Lévêque : M’y intéressant depuis peu de temps, j’ai pu me rendre compte que les architectes connaissaient mal leurs
institutions. Il y a quelque chose à faire pour communiquer plus largement sur
le fonctionnement de ces institutions. Les architectes devraient s’emparer de
cette maison commune afin de l’habiter pleinement. Les 16 % de votants au
premier tour sont représentatifs de ce peu de connaissances concernant cet
outil formidable que peut-être l’Ordre. Les architectes se doivent de changer
de position. Ils ne peuvent pas se contenter de subir. Il faut passer Ã
l’action, agir et s’emparer des institutions pour porter leurs voix face à une
profession latéralisée. La loi de 1977 a créé ces instances, il est important
de les faire vivre tout en comprenant de quoi elles sont constituées et comment
elles fonctionnent.
Johannie Bouffier Hartmann : Les Ordres régionaux proposent des services à destination des
architectes. Par exemple, des matinales d’informations sont organisées
régulièrement pour leur permettre de développer des outils dans divers domaines :
les nouveaux types de marchés (réhabilitation, commande du particulier…), le
calcul du coût horaire et les questions de négociation, les matériaux
biosourcés…. L’Ordre des architectes est apprécié par de nombreux architectes
qui connaissent son rôle au service de la qualité architecturale, dans
l'intérêt public et de la société. Il est important que les jeunes architectes
découvrent ces services et l’importance de la représentation des architectes
auprès des pouvoirs publics, afin de les éclairer dans l'orientation des
politiques publiques, impactant l'architecture. L’Ordre des architectes est
également représenté dans les jurys HMONP (Habilitation à la Maîtrise d’Œuvre
en Nom Propre) et il accompagne la réflexion sur l'évolution de ce dispositif
afin de répondre au mieux aux enjeux auxquels est confrontée la profession.
Christine Leconte : Il y a aussi une question majeure de l’adage « seul on va plus vite
et ensemble on va plus loin ». L’isolement et l’entre soi ne sont pas une
solution pour défendre la profession. C’est en retirant l’image qui peut être
poussiéreuse de ces institutions, en les modernisant, que l’on peut s’en servir
afin de se fédérer autour de projets. Il s’agit de porter ce positionnement, si
nous ne le faisons pas, la législation qui en résulte ne portera pas les
considérations de la profession. Cela est déjà arrivé pour la loi sur
l’économie circulaire ou encore la loi ELAN où l’architecte était oublié.
La raison de cette omission est simple : nos institutions ont besoin
d’être renforcées pour fabriquer des plaidoyers. D'où l'importance de voter
pour les bonnes personnes. La représentabilité n’est pas le problème, ce qui
est important c’est le message politique que l’on veut porter et comment on le
fait. C’est fondamental et ça ne dépend que des architectes eux-mêmes.
D’a : Y-a-t-il une nécessité de re-légitimer
la parole de l’Ordre ?
Jean-Pierre Lévêque: Il nous semble important qu’une revue comme d’A s’empare du sujet car le propre de l’Ordre des architectes ce
n’est pas la défense des architectes mais de l’architecture comme un service
public. Nous sommes dans une profession où nous sommes souvent les uns contre
les autres, dans une compétitivité exacerbée. Il y a cette institution un peu
oubliée de tous, au rôle pourtant majeur et au sein de laquelle on peut
partager nos expériences, mettre en commun et avancer. Ce qui nous rapproche
est cette passion commune pour la qualité de notre environnement construit et
les conditions dans lesquelles il se réalise.
Infos pratiques sur les conditions de vote
Plateforme
de vote en ligne – les identifiants et mots de passe ont été envoyé par courriel
aux architectes inscrit à l’Ordre (Objet : Election CROA 2021 – VOS CODES
POUR VOTER AU 2nd TOUR).
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