Mark’s house, intervention artistique pour le Flint Public Art Project, Two Islands architecture, Flint, Michigan, États-Unis, 2015.
Depuis de longues années, les architectes déplorent la pauvreté architecturale de l’habitat individuel. Aucune de leurs propositions ne semble venir à bout du mas provençal et de son indémodable enduit couleur tarama, le seul revêtement qui trouve grâce aux yeux d’un public boudant avec une obstination butée les belles façades en tôles ondulées rouge pompier, bleu gendarme ou jaune postier qu’ont pu leur proposer des architectes désireux de les sortir de leur misère formelle. Mais tout peut changer bientôt, en témoignent des exemples récents de pavillons « icônes » capotés d’acier inoxydable qui font trembler les fabricants d’œufs de poisson à tartiner en façade. Pourquoi, de façon totalement inattendue, le public adopte-t-il soudain en masse ce matériau plutôt que la paille aztèque, le roseau maltais ou la traverse de chemin de fer relaminée? Est-ce pour imiter le caprice d’un rappeur ou d’une star du showbiz ? le désir de briller en société ? la joie d’éblouir son voisin ? la possibilité de transformer la maison en barbecue HQE, grillant la viande par concentration des rayons réfléchis sur sa carapace ? ou simplement le besoin de se raccrocher à quelque chose d’inoxydable ? Probablement un peu de toutes ces raisons mises ensemble, avec d’autres que l’on ignore encore, qui, de Chantilly à Flint, motivent cette mutation majeure du pavillon de banlieue et scelle son rapprochement avec le haricot géant déposé par Anish Kapoor dans la ville voisine de Chicago. Revenons à Flint, justement, pour examiner plus en détail le cas de ce home sweet home luisant construit pour un dénommé Mark Hamilton. Lors de la crise des subprimes, Mark a vu sa propriété saisie. La rutilante baraque mime la volumétrie de cette maison Tudor qu’il habitait autrefois avec son père. Coquille inhabitable, elle rappelle qu’en démolissant les biens provenant de saisies immobilières, comme cela a été fait 750 fois à Flint en 2014, c’est beaucoup plus que des briques et du mortier que l’on détruit. Fausse alerte donc, la maison d’acier est une œuvre d’art, la fièvre du métal clinquant n’a pas gagné nos lotissements, ce n’est pas demain que l’on se promènera gaiement dans les rues d’Inoxville.
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