Sur/sous-exposé ?
L’idée de montrer de l’architecture dans une galerie ou un musée est récente. La gageure que représente la transcription des qualités d’un bâtiment sur des cimaises explique sans doute cet avènement tardif. On ne peut pas, contrairement à la peinture, y montrer l’œuvre originale. Il faut se contenter d’images, de documents originaux retraçant la genèse du projet ou qui en font l’exégèse. On s’y ennuie souvent à déchiffrer des cartels fastidieux et devant de nombreuses expositions, on se dit que l’on serait mieux confortablement assis à lire le catalogue.
À qui s’adressent ces expositions ? Aux architectes, aux clients, aux historiens chercheurs, au grand public ? S’agit-il de diffuser la « culture architecturale » ? De susciter des émotions contemplatives, de stimuler l’imagination des professionnels, de valoriser un fonds, de promouvoir une agence d’architecture ou une politique municipale ? À ces questions renvoient évidemment autant de réponses et de publics différents.
Or en intégrant l’industrie muséale, l’architecture a dû se plier à ses contraintes et d’abord à celle de s’adresser à tous les publics. Mais à vouloir s’adresser au plus grand nombre comme au spécialiste, on devient vite inaudible. D’ailleurs, quoi qu’en disent les responsables institutionnels, le grand public ne se presse guère dans ces expositions, pourtant toujours plus nombreuses.
Pour ne pas avoir à remettre en cause la légitimité de l’exposition d’architecture, peut-être devrait-on davantage en assumer la diversité constitutive. Accepter que certaines, par leur ambition et leur complexité, restent confidentielles – sans pour autant renoncer à influencer durablement les pratiques professionnelles – et que d’autres s’en tiennent à célébrer joyeusement la gloire des commanditaires, de l’architecture et de ses non moins glorieux héros.
Emmanuel Caille