Pascal
Gontier fait partie des architectes français réellement engagés
dans une démarche d’écoconception, ce qui lui a permis, au fil de
ses projets successifs, de développer une expertise aujourd’hui
reconnue dans le domaine de l’architecture bioclimatique. Le
bâtiment de bureaux qu’il vient de livrer dans l’enceinte du
campus universitaire de Nanterre, innovant à plus d’un titre,
destiné à regrouper en un même lieu les différents laboratoires
de recherche en sciences sociales et humaines, surprend autant par
son écriture architecturale minimaliste et austère que par sa
spatialité intérieure chaude et lumineuse. La raison principale de
ce contraste risqué, dans le contexte d’une architecture
contemporaine qui privilégie largement les enveloppes extérieures à
la modénature ciselée et stratifiée, résulte de choix conceptuels
et constructifs parfaitement assumés par son auteur et soutenus par
une maîtrise d’ouvrage audacieuse mais clairvoyante.
Bien
qu’entièrement construit en structure bois, y compris les cages
d’escalier et d’ascenseur, les façades sont totalement
recouvertes d’un bardage d’aluminium lisse et continu, simplement
entrecoupé des bandes régulières que forment la répétition
systématique des fenêtres des bureaux et des espaces communs.
L’architecte explique ce parti pris architectural monolithique
– malgré quelques terrasses d’angles faisant entorse à la
rigueur de son épannelage – par l’exigence d’une maîtrise
d’ouvrage qui a exclu, dès le concours, l’emploi du bois en
façade. Il le justifie surtout par la prise en compte de l’héritage
que représente, au sein du campus, le regroupement d’un ensemble
de constructions vieillissantes réalisées en béton ou en acier,
comme autant de témoignages de l’architecture universitaire des
années 1960. D’aucuns diront sans doute que l’opportunité lui
était pourtant offerte de s’inscrire davantage dans le processus
en cours de revalorisation architecturale du quartier de Paris Ouest
Nanterre La Défense, à l’instar du nouveau Campus numérique de
Nanterre et de sa résidence étudiante, qui ouvriront leurs portes
en 2017.
Le
défi d’une structure bois
Après
ce premier contact circonspect, on pénètre dans le bâtiment à
l’invitation d’une entrée principale qui laisse présager d’une
expérience architecturale beaucoup plus haptique. Dès lors, le
contraste est saisissant, tant l’atmosphère intérieure révèle,
d’emblée, la volonté de l’architecte d’ouvrir les usagers à
la logique conceptuelle et constructive de son projet, qui repose à
la fois sur un emploi savant et respectueux des matériaux et à la
fois sur une gestion durable et responsable des ambiances.
La réalisation d’un édifice de cette
importance exclusivement en structure bois, circulations verticales
comprises, a constitué le premier défi environnemental de la
démarche d’écoconception empruntée par Pascal Gontier pour ce
projet – bien qu’il aurait souhaité pouvoir employer du bois
issu de filières locales, plus en adéquation avec les réflexions
qu’il développe par ailleurs autour du concept d’économie
circulaire. Au-delà de l’intérêt environnemental devenu
manifeste de ce matériau biosourcé et renouvelable (bilan carbone,
recyclage, filière sèche, préfabrication…), cet architecte
possède à l’évidence le savoir-faire et l’expérience
nécessaire pour le convoquer avec pertinence et originalité dans
son processus de conception.
La
structure principale du bâtiment est constituée d’une trame
régulière de poteaux dédoublés en bois lamellé-collé,
supportant des planchers mixtes bois et béton de 5 m de portée,
initialement conçus à partir de l’assemblage de planches décalées
sur la hauteur (plancher type dalle O’Portune), mais finalement
réalisés à partir de panneaux de contrecollé (CLT) nervurés en
sous-face (renforcement structurel), à l’aspect très semblable.
Par ailleurs, des panneaux de contrecollé laissés volontairement
nus et discrètement ignifugés réalisent les cages d’escalier et
d’ascenseurs et assurent le contreventement général de l’ouvrage.
La
régulation acoustique des bureaux, aux parois séparatives
modulables, a constitué le deuxième challenge de la maîtrise
d’œuvre. Ces bureaux étant exempts de faux plafonds, le confort
sonore est assuré par le relief structurel des plafonds bois et
renforcé par un absorbant acoustique situé entre les nervures. Là
où c’est nécessaire, les chapes de béton des planchers sont
recouvertes d’un linoléum afin d’éviter la propagation
horizontale du bruit entre les espaces de travail. En outre,
l’inertie des dalles en béton brut et la forte proportion de bois
apparent participent autant à l’agrément des espaces intérieurs
qu’à leur régulation thermique et hygrométrique.
Une
circulation naturelle
Mais
la principale innovation du bâtiment Max Weber réside dans le
troisième enjeu de ce projet atypique, qui consiste en un dispositif
original de ventilation naturelle assistée et contrôlée (VNAC),
plus durable que celui du standard allemand Passivhaus qui induit un
système de ventilation mécanique (VMC) double flux, énergivore en
fonctionnement et coûteux en maintenance. Ici, tout est fait pour
que l’air circule naturellement la majorité du temps, sans recours
aux énergies fossiles, en pénétrant au travers des traverses
hautes des menuiseries extérieures et en ressortant en toiture sous
l’effet conjugué du tirage thermique de 25 cheminées de 3,60 m
de hauteur et de tourelles accélératrices, mues par la pression
éolienne, placées à leurs embouchures. En signalant avec
insistance leur présence au sommet de l’édifice, elles
participent fortement à son identité architecturale à l’échelle
urbaine. Cet ingénieux dispositif, autonome, intégré au projet dès
la phase concours, peut être régulé manuellement par les usagers
des bureaux, en ajustant les entrées d’air ou la vitesse
d’extraction. Une surventilation nocturne automatisée et des
stores extérieurs mobiles, dont la gestion semi-automatisée est en
cours d’étude, contribuent au confort d’été. Enfin,
l’ouverture toujours possible des fenêtres personnalise encore
davantage la gestion des ambiances des espaces intérieurs et
humanise leur rapport à l’environnement extérieur.
Ce
projet singulier, que Pascal Gontier qualifie « de low-tech
par sa technique mais de high-tech
par son process », démontre une fois de plus qu’il est tout
à fait possible, mais toujours difficile, de répondre aux exigences
du développement durable, au travers d’une architecture qui
revendique son identité dans la conciliation qu’elle installe
entre usages, construction et technicité.
|