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Si réduire considérablement la place de la voiture à Paris est une nécessité de moins en moins contestée, cela n’autorise pas à faire n’importe quoi, surtout lorsqu’une mesure aussi démagogique que celle de la transformation des voies sur berges en promenade engendre de multiples nuisances environnementales. C’est ce que vient de confirmer le rapport du comité d’experts indépendants, que Jean-Pierre Cousin a lu et analysé pour d’a. Impact économique négatif, augmentation de la pollution atmosphérique et sonore, aggravation du trafic et de la qualité de l’air en banlieue… Faute de politique pertinente, fondée historiquement et scientifiquement, la Ville de Paris fait surtout le lit des pro-bagnoles, comme nous l’avions déjà dénoncé il y a cinq ans. |
Après avoir
observé pendant un an, « sur une
aire élargie au-delà de l’hypercentre parisien, les impacts de la fermeture du
point de vue de la circulation routière, de la circulation des bus, de la
pollution et du bruit » et une série d’audits (associations, maires
de communes périphériques, etc.), le comité régional d’évaluation a publié en
novembre 2017 le bilan final du suivi et de l’évaluation de la fermeture
des berges rive droite à Paris le 1er septembre 2016. Il ne
répond pas à tous les questionnements soulevés avant même la fermeture, comme
par exemple les impacts sur l’économie locale.
Inutile de chercher dans ce bilan un jugement favorable ou non à l’égard d’une décision qui n’est pas qu’un simple incident de parcours dans l’histoire de la ville : des suites sont requises à un fait, auquel, outre l’IAU, des membres du Comité envisagent des mesures correctives.
Les résultats des campagnes de mesures répondant aux objectifs de la mission éclairent la vulnérabilité du tissu métropolitain, et la difficulté de protéger l’habitant et l’usager, auxquels on voulait du bien. Dans le domaine du bruit, notamment, il y a urgence, pas seulement sur les quais hauts. Les résultats des mesures lancées par le comité décrivent des états mal connus de la ville, de ses niveaux de pollution, et ces constats dévoilent une certaine méconnaissance des flux urbains à l’échelle de Paris et de ses banlieues.
Disparition sans évaporation du trafic
Environ la moitié de ces 43 000 véhicules par jour s’est reportée sur les quais hauts, amenant ceux-ci à saturation absolue avec deux horaires de pointe, matin et soir, dans le même sens. Les itinéraires de report sont naturellement les grands tracés haussmanniens, mais il s’avère difficile de suivre la diffusion du trafic au jour le jour sur un réseau où la distribution du trafic évolue très vite.
« La réalité d’un report de trafic depuis les voies sur berges sur le boulevard périphérique, plus marqué sur la section sud que sur la section nord, s’est confirmée mois après mois même [si ce report] est impossible à quantifier. S’y ajoute sans doute un jeu de chaises musicales depuis l’hyper-centre vers l’extérieur », ce qui se traduit par des effets rebonds, quand les itinéraires de report se révèlent défaillants, ou ceux qui persistent sur les quais hauts alors qu’il y a toujours moins de Parisiens motorisés (en 2010, 55 % des ménages parisiens sans voiture).
Faute d’enquête origine-destination lors de l’étude d’impact, on ignore quels étaient les usagers de la voie. Mais à partir de l’enquête la plus récente aux portes de Paris (2010), l’IAU a estimé à dire d’expert trois tronçons de trafic, bornés aux tunnels des Tuileries et Henri-IV. En heure de pointe, pour 2014, c’est-à -dire après la transformation de l’autoroute urbaine en boulevard urbain, les usagers se répartiraient en :
– 10 à 20 % de « trafic de transit » (traversant) : ensemble des véhicules qui traversent intégralement Paris ;
– 25 à 35 % de « trafic d’échanges » entre l’ouest et Paris centre ;
– 50 à 55 % de « trafic local » interne à Paris entre l’ouest et l’est.
Bien que les analyses économiques ne figurent pas dans les missions du Comité, ce dernier évoque par ailleurs des coûts à évaluer. La congestion supplémentaire due au report du trafic représente un coût pour l’ensemble des automobilistes, donc pour la collectivité, en induisant des pertes de temps supplémentaires pour l’ensemble des automobilistes. D’une manière générale « les économistes des transports sont unanimes sur le fait que la congestion constitue l’externalité négative la plus coûteuse, bien plus que les nuisances environnementales et l’insécurité routière ». Mais l’augmentation globale des émissions de polluants à cause de la baisse de vitesse de circulation est inévitable.
Pour le Comité, « il serait intéressant de réaliser le bilan coûts-avantages de la fermeture des voies sur berges qui fait appel au préalable à de la modélisation de trafic ».
Quelle urbanité poursuivre ?
La détérioration de l’environnement sonore sur les quais hauts, perceptible au quotidien, et non anticipée par l’étude d’impact (sic !), est corroborée par les mesures. Le bilan rappelle l’obligation pour la Mairie de Paris de faire respecter les niveaux sonores maximaux admissibles, soit 65 dB(A) le jour et 60 dB(A) la nuit, soit des diminutions de bruit à atteindre qui peuvent aller jusqu’à 10 dB(A) à certains endroits. Sont aussi concernés des itinéraires de report, comme le boulevard Saint-Germain, où le traitement acoustique du revêtement routier est à envisager.
La Ville de Paris avait avancé comme raison principale de sa décision la lutte contre la pollution atmosphérique générée par les voitures. Or, dans son introduction, le Comité a noté « le succès de la piétonnisation des quais bas en termes de fréquentation par les promeneurs, notamment par beau temps hors jours ouvrés [ndlr, nous soulignons]. Il note la diminution de la pollution atmosphérique sur l’ancienne voie Georges-Pompidou fermée à la circulation ». Cependant, la pollution ne descend pas en deçà du niveau de fond moyen, hors parcs. Ainsi s’actualise d’autant le plaidoyer d’Emmanuel Caille pour le maintien de l’autoroute urbaine à classer au patrimoine mondial, dont bénéficiaient gratuitement les passagers de 57 000 véhicules par jour.
Jean-Pierre Cousin
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