Patrick Messina |
Portraitiste et technicien accompli, Patrick Messina explore une métropole globale à réaction poétique.
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« Oui, l’oeil écoute chez Patrick Messina, et, se faisant, met en branle tout un réseau de rimes, d’échos, de correspondances, qui se répondent d’un point du globe à l’autre. »
André S. Labarthe, Wayfaring,
postface.
Avant
toute chose, de la musique. Et un peu de presse aussi. À peine sorti du
lycée, Patrick Messina découvre par le biais d’un ami Les Inrockuptibles, alors
un quasi-fanzine vendu à la criée par un groupe de passionnés. Étudiant à
Louis-Lumière, il réalise des portraits pour le nouveau magazine, avant
d’élargir son champ à d’autres titres. Ses images illustreront régulièrement
la quatrième de couverture de Libération, consacrée à une personnalité.
Les archives de Messina contiennent une impressionnante galerie de
stars ou d’individus gratifiés du fameux quart d’heure de célébrité,
captés dans des décors organisés fortuitement par le portraituré – tel ce
rappeur américain qui reçut le photographe dans une luxueuse chambre
d’hôtel Grand Siècle, bardée d’écrans diffusant en boucle des films
pornographiques – ou des dispositifs scénographiques improvisés. Pour
faire rapidement le portrait de plusieurs figures de la nouvelle scène
musicale française, Messina imagina de faire apparaître les différents
sujets à travers la fenêtre ouverte d’un rez-de-chaussée parisien, en rééclairant
avec un flash placé en extérieur. Basique, le système était néanmoins
efficace… Lors d’un reportage à New York, à la demande des Inrocks qui voulaient
faire une série sur la Grosse Pomme, Messina commence à photographier la
ville. La presse réduira sensiblement ses commandes, mais le virus
urbain aura durablement fait souche. Toujours portraitiste, Messina
consacre aujourd’hui une grande partie de son temps à photographier les hôtels
d’une grande chaîne internationale. En déplacement à travers le globe, il
garde toujours du temps pour la ville : « J’avais été marqué par Lost in Translation
de Sofia Coppola. Allant d’une métropole à l’autre, je me retrouvais dans
les personnages du film qui traversaient la planète, mais finissaient dans des
lieux toujours semblables. » Peut-être pour contrer la monotonie, Messina
garde suffisamment d’énergie pour – une fois ses commandes honorées –
sortir de sa chambre et explorer la ville avec sa lourde et encombrante
chambre photographique. Au hasard des rues, « je n’ai pas de plan, je ne
programme pas de “faire” les monuments ou les musées remarquables, je
ne veux pas trop me déplacer non plus et je reste le plus souvent dans les
environs de l’hôtel ». S’il croise parfois sur sa route des icônes de
l’architecture, il faut davantage voir ses séries d’images comme des
déambulations dans un espace urbain globalisé. Wayfaring, paru en 2013,
mélange des portraits à des vues urbaines volontairement non situées.
BLUR IS
MORE
L’espace
global sert de cadre aux photographies de Messina, qui n’oeuvre pas tant
en documentaristejournaliste qu’en écrivain. Chaque image a pour point
de départ son imaginaire, une histoire jamais racontée autrement que
visuellement. Le flouté, une marque de fabrique de Messina, alimente le
récit. « Mes recherches sur le flou ont commencé à l’école, autour de
la règle de Scheimpflug, une loi optique qui définit les conditions de
netteté de plans en fonction de leurs intersections. Je l’avais d’abord
appliqué au travail de portrait – le flou permettait de faire ressortir le
regard, l’essentiel d’une personne –, avant de l’étendre au paysage
urbain, sur une image de Sunset Boulevard. » Un tableau urbain brouillé
par les lois de l’optique, dans une esthétique aujourd’hui dévoyée par
le numérique – les plugins tilt-shift fleurissent, laissant tout un chacun
obtenir par informatique ces vues panoramiques où le flou trouble
l’échelle, laissant l’espace apparaître comme une maquette. À rebours
de ce déferlement, le flou messinien s’est fait plus subtil, moins appuyé.
La force de l’image n’est pas dans l’effet, mais dans des détails subtils
qui traversent le cadre : « La précision de la chambre permet d’établir
un cadrage très rigoureux. Une fois ce cadre défini, j’attends que des
éléments inattendus viennent se placer aléatoirement dans l’image pour appuyer
sur le déclencheur », explique Messina. Sur une photographie de trois
tours gigognes de la préfecture de Tokyo, à Shinjuku, ce sont deux
minuscules taxis verts et jaunes qui redonnent par leurs teintes
vives un contraste dans un univers gris. Ailleurs, c’est un petit
personnage qui structure l’image : « J’avais vu que le fleuve très agité
qui traverse Bâle était fréquenté par des baigneurs qui profitaient de
la force du courant pour faire une sorte de piste de glisse. Installé sur
un point de vue haut depuis une heure, j’allais démonter ma chambre quand
est sorti d’une maison un homme en maillot de bain qui a plongé dans la
rivière. » Sur ce type d’appareil, on ne dispose que d’une vue pour
capturer l’instant décisif. « En science, le hasard ne favorise que
les esprits préparés », disait Pasteur, et la maxime vaut pour la
photographie.
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