La rage de démolition ayant atteint la France depuis trois décennies ne semble plus pouvoir s’arrêter. Le système mis en place à travers l’ANRU il y a 20 ans avance comme un rouleau compresseur devenu fou. Si la question n’était que patrimoniale – lorsque l’on détruit des architectures comme la Butte-Rouge ou la Maladrerie –, ce gâchis serait déjà très préoccupant mais, bien plus grave à l’heure de la pénurie de logement, ces démolitions coûtent beaucoup plus chères que des réhabilitations, grevant d’autant le financement de nouvelles constructions. Elles ont surtout un bilan carbone catastrophique. Pourtant les maires ne détruisent pas forcément par plaisir mais parce que ces destructions leur donnent, via l’ANRU, accès à des subventions inespérées. C’est l’effet pervers de la prime au massacre. En dehors des habitants expulsés dont l’avis compte peu et qui sont, de fait, minoritaires, cette tabula rasa suscite par ailleurs presque toujours un enthousiasme populaire tant est répandue la croyance qu’avec la disparition de ces bâtiments – insalubres par manque d’entretien –, ce sont tous les problèmes sociaux et les erreurs… [...]

1. Siège social de l’enseigne But, Saint-Denis. L’édifice est une démonstration de la fiabilité des solutions de rangement qu’a développé son PDG, Alexandre Falk, pour les enseignes Brico Dépôt, Bricomarché et Bricorama qu’il a dirigé de 2012 à 2015. La silhouette se fond dans le blanc laiteux d’Île-de-France, teinte imposée par l’architecte des bâtiments de France.
2. Le « petit Hong Kong », Creil. Le projet urbain, centre d’affaires à usage mixte abandonné suite à une affaire de pots-de-vin, est devenu un haut lieu d’urbex. La résille qui couvrait sa façade devait accueillir le plus grand écran 6K du monde. Dépouillé, l’exosquellette dévoile une « belle ruine », selon l’adage d’Auguste Perret, transformant ainsi l’échec initial en réussite poétique.
3. Surnommé « Le Pneumatique », à cause de sa façade qui rappelle l’ancien réseau de communication qui distribuait les « petits bleus », l’IGH d’habitation d’Issy-les-Moulineaux en cours d’achèvement optimise structure et fonction. Les tubes porteurs creux qui encagent les logements rassemblent aussi l’intégralité des gaines techniques, les accès de secours et les vide-ordures de compost fertilisant directement les jardins partagés en pied d’immeuble.