Le corps de logis du château s’étend sur une légère éminence qui domine le territoire alentour. Il s’établit au milieu d’une vaste terrasse rectangulaire entourée d’une imposante balustrade du XVIIe siècle. Au sud, en contrebas, s’étendent les chais et leurs annexes de part et d’autre d’une barre composée de constructions hétéroclites qui s’enfonce dans la pente et qui correspond à l’administration du domaine. À l’est, s’élèvent les entrepôts historiques recouverts d’enduit rose où le vin est élevé après les vendanges, tandis qu’à l’ouest se creuse une grande crypte où il vieillit ensuite dans des fûts de chêne. Avec sa longue rampe d’accès qui se rétrécit en pénétrant dans le tertre pour desservir une grande salle circulaire, cette dernière intervention réalisée par Ricardo Bofill en 1988 semble invoquer les tombes mycéniennes monumentales à dromos et à tholos, comme celle que l’on attribue habituellement à Agamemnon. Au-dessus d’elle, sur la crête, s’alignent encore d’autres constructions plus récentes.
L’ensemble doit être agrandi, restructuré et modernisé : pour, avant tout assemblage, élever le vin dans des cuves parcellaires ; généraliser le gravitaire afin que le raisin à peine cueilli descende naturellement dans les cuviers en évitant les ruptures de charge ; réduire enfin les distances entre les différents sites de transformation avec lesquels le vin en gestation est appelé à accomplir des allers-retours incessants. Les propriétaires ont ainsi confié le soin d’organiser une consultation d’agences de renom à l’agence BAM. Because Architecture Matters, fondée par Mathias Boutier et Boris Lefevre, est en effet spécialisée depuis 2015 dans l’organisation de concours concernant de grandes opérations de ce type.
CHANGER POUR QUE RIEN NE CHANGE
Il a été ainsi demandé aux équipes en lice de concentrer leur intervention sur l’emplacement du vide entre les halles historiques et la barre de l’administration. Un espace actuellement occupé par une terrasse engazonnée, cachant les liaisons souterraines entre les chais de vieillissement et d’élevage, et un vaste espace minéral s’ouvrant plus bas sur le vignoble.
À travers leurs projets, les équipes en compétition se sont très librement interrogées sur ce que représentent le vin et sa longue gestation. La plupart ont enterré leurs salles afin de proposer une architecture en négatif qui ne vient en aucune façon troubler le délicat équilibre des bâtiments existants et qui trouve en s’enfonçant dans la pleine terre le milieu thermiquement le plus favorable au développement de cette boisson fermentée qui a besoin d’un maximum de stabilité… Ainsi les architectes de RCR ont-ils proposé une coque en béton végétalisée qui recouvre comme un ventre maternel les nouvelles cuves en inox qui s’enfonceront dans le sol. H arquitectes et Plan Común proposent un processus de construction vertueux afin d’éviter d’éventrer la terre et Antoine Dufour un système de hauts puits qui permettent de conjuguer ventilation naturelle et géothermie. Seules deux équipes ont refusé l’implantation désignée par les maîtres d’ouvrage : John Pawson associé à David Leclerc et le lauréat, Bernard Quirot. Les premiers sont intervenus en sous-œuvre sur les entrepôts historiques, le second entre la barre de l’administration et le chai de Bofill, notamment en construisant hérétiquement au-dessus du tertre occupé par sa salle hypostyle. Le concours s’étant développé en deux phases, nous avons choisi de présenter l’ensemble des projets ayant participé à la première.
STRATÉGIE
Maîtres d’œuvre : BQ+A, EGR et SCALA architectes (projet lauréat)
Bernard Quirot nous avait confié dans le grand entretien du numéro précédent qu’il avait longtemps hésité après le bac entre des études d’œnologie et d’architecture. Ainsi au lieu de se lancer dans de vastes projets souterrains titillant dangereusement les nappes phréatiques, au risque de s’engager ensuite dans de coûteuses et très incertaines opérations de cuvelage, l’architecte de Pesmes a-t-il préféré rester (...)
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