La campagne de France
« La France moche » est devenu un sujet de débat des plateaux télé. Le terme peut être un slogan réducteur empreint d'une forme de mépris citadin, mais les médias ont besoin de ces caricatures pour intéresser leur public. Et tant mieux si les Français commencent à comprendre que ce sont moins les grands ensembles qui ont détruit notre paysage que des centaines de milliers de ronds-points, de lotissements, d'aménagements urbains ou de zones commerciales implantés au mépris, ou plutôt dans l'ignorance, d'une culture séculaire. Pour qui ce souci de paysage et d'architecture, voyager en France est devenu souvent éprouvant. Mais comment remédier à cette inexorable destruction ? Imposer architectes ou paysagistes dans chaque construction n'est ni possible ni souhaitable, d'ailleurs, certains d'entre eux feraient sans doute pire que ce qui est produit de manière vernaculaire. Le problème relève moins de la qualité architecturale des pavillons, supermarchés, hangars ou friches de bord de route que du choix de leur implantation, de leur relation au reste du bâti et de la manière avec laquelle ils s'inscrivent dans l'équilibre environnemental du territoire.
Des moyens ont pourtant été mis en place il y a longtemps pour remédier à cet appauvrissement : les CAUE, les Maisons de l'architecture et surtout le Corps des architectes-conseils de l'État. Les équipes qui animent aujourd'hui ces institutions ont toutes les compétences nécessaires pour remplir ce rôle. Mais quels pouvoirs leur est-il réellement accordé alors que, par ailleurs, leur légitimité est régulièrement remise en cause ? Sans doute faudrait-il que leurs compétences soient davantage mutualisées, mais si l'on veut prévenir les dysfonctionnements d'aménagement du territoire et préserver ou embellir nos paysages, il est urgent de leur donner davantage de moyens et de renforcer leur pouvoir. En d'autres termes, il faudrait admettre qu'ils sont des acteurs incontournables du développement économique.
//Emmanuel Caille//