Construire en composites : une nouvelle culture architecturale ? - Rénovation de la maison Saint-Gobain conçue par Jean Prouvé - Architecte Philippe Bancilhon

Rédigé par Karine DANA
Publié le 01/03/2018

La rénovation a consisté à reprendre le contreventement général de la maison, en particulier en toiture.

Dossier réalisé par Karine DANA
Dossier publié dans le d'A n°260 Issue d’une proposition de Saint-Gobain d’étudier un procédé constructif en composites, la maison « plastique » Saint-Gobain/Jean Prouvé  conçue de 1965 à 1967 et réalisée en 1968 dans l’Oise, à proximité des usines de laine et de fibre de verre de l’industriel  témoigne d’une approche très singulière de ce matériau. Au croisement des conceptions du composite pour sa capacité à travailler en coque et des systèmes constructifs traditionnels poteau-poutre en béton ou acier, Jean Prouvé développe ici l’idée d’une « nouvelle brique » adaptée à celle du plan libre. À la différence de Jean-Benjamin Maneval, qui lui aussi travailla avec un industriel  Les Pétroles d’Aquitaine –, ou encore de Häusermann et Chanéac qui, à la même époque, ont abordé les composites pour émanciper l’habitat de toute notion d’ancrage physique et sociologique, Prouvé s’inscrit dans une continuité historique de production du logement mais invente une nouvelle mise en œuvre à partir de panneaux sandwichs plans, légers et structurants.

La réalisation de cette maison correspond à une période intermédiaire pour Prouvé, dont l’entreprise vient de faire faillite et qui travaille alors comme conseiller pour les architectes. La force de frappe de Saint-Gobain lui permet de faire ses premières planches d’essai sur les composites. À la différence de ses confrères qui travaillent les panneaux courbés pour gagner en rigidité, Prouvé combine des poteaux en croix avec des panneaux plats de 10 cm d’épaisseur qu’il utilise aussi bien en façade qu’en toiture. Dotés d’un rainurage sur leur face extérieure et lisse côté intérieur, ces derniers sont composés de mousse de polyuréthane et de résine polyester armée de fibre de verre.

L’édification de cette maison a eu la particularité de commencer par la toiture. Les panneaux ont été d’abord montés sur poutres treillis et portiques, vissés et compressés, pour présenter une parfaite continuité de surface. Or cette précaution a eu une incidence sur la stabilité de l’ensemble dans le temps. En effet, les petites cales en bois nécessaires pour le vissage ont gonflé, occasionnant des fuites qui ont fini par créer des points de défaillance dans le contreventement : la maison commençait à pencher et le vitrage à rompre au niveau des angles… Cette faiblesse a été identifiée par l’agence Philippe Bancilhon, missionnée par le nouvel habitant de la maison – un ancien cadre de Saint-Gobain – pour la réhabilitation de cet ouvrage en péril.

Une certaine histoire du panneau

Pour sa réfection, les architectes héritent donc d’une maison de plain-pied, démontable, composée d’une partie nuit à 2,5 m sous plafond et d’une partie jour à 3,80 m, mais quasiment inhabitable. Leur objectif est de poursuivre la logique de conception mise en place par Prouvé tout en faisant face à la forte contrainte actuelle de trouver des entreprises qui travaillent le composite pour le bâtiment. Avec l’aide de ce nouvel acquéreur averti et avec beaucoup de pragmatisme, l’équipe de maîtrise d’œuvre décide de conserver tous les panneaux composites encore stables et étanches, et de renforcer les poteaux en croix les plus hauts au moyen de fer en U, car aucune garantie de solidité suite à un éventuel refribrage de ces poteaux n’aurait été possible à obtenir dans ce contexte. L’étanchéité – traditionnelle – sera également refaite. Et pour parer à la faible isolation thermique des panneaux en simple vitrage dont la maison est largement parée, l’agence met au point les tout premiers doubles vitrages agrafés de dimension 360 x 200. Afin que les verres ne se touchent pas et que la lame d’air reste constante, de toutes petites billes de verre sont logées entre les deux immenses panneaux. Ceux-ci pris par quatre petites pattes sur les fers en U. Par la finesse de leur profil et la recherche d’optimisation dont ils sont l’objet, ils participent à continuer une certaine histoire du panneau.

Très peu documentée, sans protection patrimoniale et presque inconnue des architectes, cette maison n’aura pas de descendance. Selon Philippe Bancilhon, « l’impact de cette expérience sur la manière de construire en composite reste faible, notamment parce que Saint-Gobain a retenu les informations. D’ailleurs, le brevet relatif aux panneaux déposé par l’entreprise ne mentionnera pas Jean Prouvé et sera exploité pour la fabrication de locaux frigorifiques… Toutefois, cette recherche appliquée aux composites permettra à Prouvé de développer en 1972 les fameux panneaux Matra, un produit industriel qui sera notamment utilisé dans de nombreuses stations-services Total (J. Prouvé/L. Pétroff) ». Par leur mise au point, Prouvé résout notamment les problèmes d’étanchéité et de stabilité au feu rencontrés ici, pour la réalisation des panneaux composites de cette maison pilote.

 

[ Maître d’œuvre : Philippe Bancilhon

Maître d’ouvrage : privé

Conception-études : 1999

Livraison : 2000 ]

Abonnez-vous à D'architectures
.

Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :

Vous n'êtes pas identifié.
SE CONNECTER S'INSCRIRE
.

> L'Agenda

Novembre 2024
 LunMarMerJeuVenSamDim
44    01 02 03
4504 05 06 07 08 09 10
4611 12 13 14 15 16 17
4718 19 20 21 22 23 24
4825 26 27 28 29 30  

> Questions pro

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6

L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l…

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6

L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent.

Quel avenir pour les concours d’architecture publique 2/5. Rendu, indemnité, délais… qu’en d…