Construire en composites : une nouvelle culture architecturale ? - Les composites en situation de transformation urbaine, l’expérience de Luc Boulais (agence artificial architecture)

Rédigé par Karine DANA
Publié le 01/03/2018

La maison Bellot, Chambéry.

Dossier réalisé par Karine DANA
Dossier publié dans le d'A n°260

Très peu d’architectes « pratiquent » la construction composite, qui plus est dans des conditions de production courante et dans une économie très ténue. Il est notamment très difficile d’intéresser des entreprises. Pour des sociétés spécialisées dans l’aérospatiale, passer de la fabrication de pièces en série au chantier d’un bâtiment constitue en effet un bouleversement des processus allant bien au-delà du saut d’échelle engagé. Aborder les composites comme structure impose à l’architecte d’investiguer, d’expérimenter et d’anticiper dans des allers-retours permanents entre la modélisation, la maquette, l’atelier et la réalité.

Alors qu’il a créé et enseigné le module « matières composites et plastiques » à l’École d’architecture de Grenoble entre 2005 et 20111, Luc Boulais continue d’explorer les qualités surprenantes de ce matériau complexe au sein de l’agence artificial architecture. Il défend notamment un usage des composites en milieu dense et existant, dont les qualités de légèreté, d’efficacité thermique et d’adaptabilité sont particulièrement pertinentes en situation de transformation urbaine. 

Les trois derniers projets qu’il vient de livrer – deux extensions de maison et la restructuration d’un théâtre – témoignent de son approche agile et artisanale.

Pour l’extension de la maison Bellot à Chambéry, l’agence a réalisé cinq volumes imbriqués et connectés sur le socle existant : une manière d’augmenter les surfaces de plancher, de créer des paysages intérieurs fragmentés, de varier les hauteurs sous plafond, d’aller chercher des vues. Chaque volume a ainsi une fonction de « capteur » d’ambiance. Préfabriquées et prémontées à partir de panneaux sandwichs de 14 cm d’épaisseur composés de mousse de polyuréthane en réemploi et stratifiés deux faces en atelier, les boîtes – qui travaillent ici en coque – ont été ajustées et collées sur site en quelques jours. Les architectes ont cherché à pousser le plus loin possible la préfabrication en atelier et ont testé en amont les montages et détails d’assemblage. « Ce projet a fait l’objet d’une maquette à échelle 1, explique Luc Boulais. Et c’est à partir de cette maquette et de modélisations 3D que nous avons lancé la préfabrication des panneaux. Une fois sur site, nous avons construit une ossature provisoire pour faire office de gabarit, tel un échafaudage. L’une des problématiques intéressantes des composites est de trouver des manières de “monter” une structure dans le vide. Quand le projet le permet, il est intéressant de fabriquer les volumes au sol puis de les gruter, ce que nous n’avons pas pu faire ici étant donné la situation d’exiguïté en centre ancien. »

 

Imbrication

Dans la continuité de ce projet, la toute récente transformation d’une ancienne salle des fêtes existante en théâtre pour la ville de Roye relève du même système constructif. Le composite a ici été utilisé pour répondre à l’évolutivité et au morcellement du programme caractérisé par ses deux nouvelles salles imbriquées et ses grandes circulations continues logées en façade. Une problématique de forme complexe posée par l’enchevêtrement d’espaces de natures différentes, l’accueil de locaux techniques, de sanitaires et de circulations PMR a été résolue par la construction d’une enveloppe structurelle composée de panneaux sandwichs rapportés à la structure principale. Cet habitable témoigne notamment de la capacité des matériaux composites à intégrer des fonctions sans générer d’interface et sans ajout de matière : isolation thermique, structure, étanchéité, évacuation des eaux.

Autre expérience de l’agence en structure composite, l’extension de la maison Hormazabal à Noisy-le-sec a consisté en la création d’un séjour de 70 m2 de plain-pied avec un jardin, auparavant en contrebas. Utilisé pour fabriquer une grande toiture lumineuse composée d’un assemblage de voûtains, le composite s’est imposé ici pour sa facilité de mise en œuvre et sa très bonne performance énergétique. Les architectes ont d’abord construit un modèle 3D qu’ils ont ajusté à la réalité. La forme de la toiture et les raccords des voûtains ont été calculés avec un bureau d’études spécialisé dans l’aérospatiale en fonction des efforts à reporter sur les murs latéraux. La courbure des voûtains a été obtenue par usinage numérique cinq axes et les plus grands percements de lumière ont été effectués sur site afin d’en maîtriser les effets. Les panneaux ont été stratifiés en atelier, les fibres de verre ont été déroulées sur les panneaux, découpées puis enduites de résine et, enfin, débullées. Un coating de polyuréthane de couleur orange a été appliqué sur site en guise de finition extérieure.

 

 

1. Ce module a été monté au sein de l’enseignement du master « Cultures constructives » dirigé par Pascal Rollet.

 

 

Fiches techniques :

 

[ Maison Bellot, Chambéry

Maître d’ouvrage : privé

Surface : 140 m2

Coût : 300 000 euros

Calendrier : 2009-2013 ]

 

[ Théâtre de Roye, Somme

Maître d’ouvrage : ville de Roye

Surface : 1 200 m2

Coût : 5 millions d’euros

Calendrier : 2009-2016 ]

 

[ Maison Hormazabal, Noisy-le-Sec

Maître d’ouvrage : privé

Architecte associée : Christelle Chalumeaux

Surface : 120 m2 + 60 m2 extension

Coût : 180 000 euros

Calendrier : réalisé en 2013 ]

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