Centre thermal O’Balia à Balaruc-les-Bains (34)

Architecte : Tectoniques
Rédigé par max ROLLAND
Publié le 03/01/2012

Balaruc-les-Bains est une petite commune de l'Hérault, construite sur les bords de l'étang de Thau, en face de Sète. C'est une station thermale historique, connue pour la qualité de ses eaux, qui figure, en termes de fréquentation, comme deuxième station française pour ses soins curatifs en rhumatologie et phlébologie. Les complexes « Athéna » et « Hespérides », ouverts depuis 1969, à des fins thérapeutiques, viennent d'être complétés récemment par le Centre de bien être O'Balia, imaginé et réalisé par l'agence Tectoniques.

Le bâtiment est construit à proximité des Hespérides, au bord de l'étang. Il a pour vocation d'élargir l'offre de la station, et de s'adresser à d'autres publics, plus jeunes, et plus soucieux de « bien-être Â». Le concept du nouvel équipement est baptisé « thermoludique Â». Ce nom peu élégant désigne des soins et des bains qui utilisent l'eau thermale, sans objectif thérapeutique direct. Entre froideur du thermalisme et exubérance des activités aqualudiques, les architectes ont trouvé une réponse architecturale qui évite les ambiances de cure, de piscine municipale, de parc d'attraction, ou des espaces codifiés du design wellness.

Le projet s'insère sobrement dans un paysage fort. Sa présence très graphique est assurée par une utilisation spécifique du bois, avec un jeu de lignes et de tissages qui crée une scénographie changeante, animée par le soleil du midi.

 

In situ

Au delà d'un paysage remarquable, des images caractéristiques du littoral méditerranéen et de ses étangs sauvages ; le climat est rude. Il impose des vents fréquents et violents, une lumière crue qui brutalise les ombres, une humidité importante, et des chaleurs estivales intenses. L'architecture doit donc, en même temps s'insérer et valoriser cet environnement, mais aussi s'en protéger pour rendre confortables les activités du nouvel  Ã©quipement. 

De concert, architectes et paysagistes proposent une approche globale répondant à une certaine idée du loisir et du bien-être, éthique, éco responsable, et avec la volonté d'installer un projet calme et silencieux dans un paysage déjà constitué. Il tente même une forme de disparition. Côté ville, une cabane de bois émerge au milieu des pins, identique à celles que l'on peut trouver dans les environs. Côté étang, la disparition est encore plus évidente. La rive plantée existante est renforcée pour masquer le bâtiment. Seul un belvédère s'avance en porte-à-faux à travers le rideau de cyprès et de cannes de Provence, pour surplomber l'étang.

La protection des plages et des bassins aux vents dominants, est assurée par le bâtiment lui-même, placé en équerre, au Nord et à l'Est. La face Ouest est abritée par un talus végétalisé conçu comme brise-vent, reproduisant la figure géographique du cordon dunaire et présent naturellement le long de l'étang. La végétation indigène (cyprès et cannes de Provence) est conservée et consolidée.

Au cœur de l'équipement, à l'abri des vents et des regards extérieurs, un jardin exotique est installé. Par contraste avec l'insertion paysagère recherchée à l'échelle du site, des végétaux différents ont été choisis. Lové autour des bassins, ce jardin venu d'ailleurs accompagne le projet d'un certain dépaysement, souhaité par les architectes. A la végétation méditerranéenne bien connue (lauriers-roses, pins pignons et pins d'Alep) viennent s'ajouter palmiers, bananiers, papayes, yuccas, oiseaux de paradis, cannes à sucre.

Un autre objectif essentiel est de maîtriser l'ombrage et la protection solaire, en utilisant ombrières, pergolas et végétaux pour les plages et les espaces extérieurs. Concernant l'humidité de l'air ambiant et la salinité, facteurs redoutables pour la construction, l'utilisation de bois bruts, largement ventilés et de section importante a été privilégiée. Il faut préciser sur ce point, qu'en plus de l'effet « bord de mer », l'eau thermale utilisée dans l'équipement est une eau très agressive. Les brumes et les projections dégagées par les bassins le sont donc aussi. Les produits métalliques, y compris l'inox, sont particulièrement vulnérables dans ce contexte, alors que le bois offre une meilleure durabilité.

 

Une composition de lignes et de cercles

Le projet est dessiné à partir de deux formes géométriques simples : des lignes et des cercles. Les lignes sont matérialisées par les bandes construites. Les cercles accueillent l'eau et les bassins. Les lignes organisent le projet, absorbent le dénivelé du terrain, accompagnent les cheminements et préservent les espaces aquatiques. Elles occupent principalement la plus grande pente, perpendiculairement à l'étang, et assurent la transition entre le site très naturel du rivage et une séquence plus urbaine, côté entrée et parking. Cette position linéaire est particulièrement accentuée par le long belvédère, qui se prolonge au dessus de l'étang, pour offrir une vue inédite sur le plan d'eau et les parcs à huitres. L'horizontalité des bâtiments adoucit volontairement l'architecture qui évite ainsi toute confrontation brutale et laisse passer le regard. L'organisation orthogonale du plan assure lisibilité et compacité.

Les formes souples et circulaires des parcours de l'eau assurent une présence organique proche des compositions proposées par la nature. Cercles et lignes organisent le site sans jamais le dominer, ni le contrarier. L'utilisation d'une gamme de matériaux « environnementaux » confirme cette présence douce.

 

(Sana) per aquam

La présence de l'eau est au cœur du projet. Elle est déclinée sous toutes ses formes : rigoles, bassins, jets, fontaines, débordements, cascades, pluie, ruissellements, bouillonnements, vapeurs. Elle est l'élément récurrent du lieu. Les pratiques autour de l'eau ont considérablement évolué ces dernières années, passant progressivement du sportif au ludique. Le monde thermal n'échappe pas à cette demande. Les vertus thérapeutiques de l'eau et des soins associés ne sont plus envisageables dans une gamme strictement clinique. Le plaisir et le bien-être gagnent sur les pratiques plus médicales.

Le projet intègre cette évolution en proposant une large gamme d'activités avec de multiples utilisations : parcours hydro-massants et hydropooling, nage à contre-courant, jets et fontaines haute pression, buses, microbulles, plages et banquettes massantes, baignades et jeux d'enfants, douche polaire, caldarium, douches thématiques et ludiques, fontaine de glace et bien sûr l'Onsen, bain chaud d'inspiration japonaise, qui constitue l'un des points forts de l'équipement. Pédiluves et douches sont aussi mis au service des « jeux d'eau Â».

L'ensemble est organisé comme un parcours arborescent, qui distribue les différentes activités. Ce parcours est construit à partir du « chemin de pluie Â», formé par une galerie, isolée et chauffée, taillée dans le terrain, en rive Sud du projet. Il permet d'utiliser l'équipement toute l'année en accédant aux activités et aux bassins sans passer par l'extérieur. Il abrite des douches singulières (eau glacée, eau thermale, eau douce), le caldarium et le sauna.

La partie aquatique extérieure est constituée de trois bassins qui se succèdent, et se versent les uns dans les autres. Chaque bassin est scénarisé, et traité en températures différentes, du plus « frais Â» à l'Est, au plus chaud pour l'Onsen, en fin de séquence. En période froide, les brumes chaudes qui se dégagent des plans d'eau forment un brouillard étonnant, et improbable dans ce contexte méditerranéen.

En complément de ce parcours aquatique, le programme prévoit des espaces « wellness Â» plus classiques, dans la partie rectiligne du projet : cabines de massages et de soins, hammam, sauna. Un espace polyvalent est réservé pour la gymnastique douce. Des lieux extérieurs de détente et de repos les prolongent sous la grande pergola et les ombrières, en façade Sud du bâtiment.

Pour renforcer la mise en scène aquatique, Lucas Goy, concepteur lumière, a conçu une scénographie lumineuse inventive. L'eau est considérée comme « matériau lumière » et source d'éclairage. Des Leds sont insérés dans les becs de cygne, les margelles ou la cascade et embellissent jets, vapeurs et bouillonnements. Les sources restent invisibles. C'est l'eau elle-même, qui transporte et distribue la lumière. Le bâtiment est au contraire éclairé de façon sobre et discrète, par la mise en valeur des tissages du bois et des lignes du projet.

Ce projet de mise en lumière a reçu le "prix du patrimoine bâti" par l'Association Française des Concepteurs Lumière (ACE).

 

Ce bâtiment vient rejoindre une nouvelle vague de projets de l'agence qui concerne les loisirs, les résidences de vacances et le bien-être. La simplicité de l'architecture, la recherche d'une relation pacifique et respectueuse avec l'environnement du projet, la recherche permanente du confort d'utilisation, une démarche environnementale engagée, et bien sûr l'odeur du bois, sont les fondamentaux de cette démarche.

 

Découverte en chemins

Les concepteurs ont cherché à multiplier les ambiances, volontairement variées et juxtaposées. Le projet valorise une approche aléatoire de découverte par les cheminements et déplacements qui ne se dévoile pas de manière immédiate. Il sollicite la curiosité et l'envie de l'utilisateur. Belvédère, rivage, chemin de pluie, passerelles, terrasses, jardins, plages, sont autant de lieux, et de situations différentes. La taille relativement modeste de l'équipement est compensée par cette variété géographique et paysagère. Elle est soulignée par le travail de mise en lumière des Eclaireurs.

 

Motifs graphiques

La présence très graphique du projet est assurée par une utilisation particulière du bois dans un jeu de lignes et de tissages qui forme un habillage texturé, sur les cinq faces du bâtiment. Fréquemment développé par l'agence Tectoniques, ce travail de peau texturée interroge encore une fois la question du « motif Â» de façade qui n'est pas simplement décoratif mais répond à des obligations constructives. Sur le plan visuel, cette texture produit une architecture changeante au rythme des heures de la journée. Sur le plan des ambiances climatiques, elle dispense des ombrages bienfaiteurs et une protection graduée des ouvrages les plus exposés (toitures, façades Sud et Ouest, vitrage).

 

 

Eco conception

Comme tous les projets de l'agence, le Centre O'Balia privilégie le développement de « la filière sèche », avec un fort penchant pour la filière bois. En dehors des avantages, maintenant connus, de ce mode constructif, il permet, dans ce cas, d'assurer une grande évolutivité des installations. Ce type de programme est en effet fragile, et susceptible de subir de nombreuses et fréquentes évolutions.

Le deuxième argument contextuel concerne l'utilisation du bois, qui affiche une meilleure durabilité, face aux conditions agressives de l'opération (salinité et humidité du bord de mer, dureté de l'eau thermale). Le bois majoritairement mis en œuvre est un résineux Douglas brut, utilisé en planchers, bardages, carrelets, ossatures, et ombrières. Le béton reste naturellement très présent pour toutes les infrastructures, les locaux techniques (très importants dans ce cas) et les bassins.

Les protections solaires extérieures sont systématiques pour tous les vitrages exposés et toutes les toitures recouvertes d'une ombrière, posée en sur-toiture. Les complexes d'isolation sont renforcées, et traités spécifiquement en verre cellulaire pour les locaux exposés à une forte humidité.

Sur le plan énergétique le bâtiment est quasiment autonome puisqu'il utilise une énergie « gratuite Â» et facilement disponible : l'eau des bassins est fournie par deux forages profonds sur une nappe d'eau chaude. La température naturelle de l'eau est supérieure à la température requise pour les bassins. Aucune énergie n'est donc consacrée au chauffage de l'eau. De la même manière, le chauffage des bâtiments est assuré par une récupération de chaleur sur la bac tampon de l'eau thermale.

Pour la thermique d'hiver et le chauffage des bassins, nous sommes donc dans une situation proche des conditions islandaises. Pour la thermique d'été, il s'agissait d'éviter la climatisation et d'agir sur le comportement passif du bâtiment. Outre les protections solaires et l'ombrière de toiture déjà évoqués. Les architectes ont en partie convaincu le Maître d'Ouvrage sur ce point, en dehors des cabines de massage, qui doivent rester, pour des raisons évidentes (les soins ne tolèrent ni fraicheur ni chaleur transpirante), entre 22 et 24 degrés. Une batterie froide a donc été installée sur la Centrale Traitement de l'Air double flux du secteur cabines. Pour les autres locaux, l'installation double flux fonctionne de manière habituelle.



  • Maître d'ouvrage / client : Commune de Balaruc-les-Bains
  • Surfaces / areas : 1 200 m  construits + surfaces extérieures bassins et plages
  • Coût travaux / cost : 6,192 M € H.T
  • Architectes / architects : Tectoniques 
  • Paysagiste / Landscaping : Jean-Baptiste Lestra / Itinéraire Bis
  • Eclairagiste / Lighting : Lucas Goy / Les Eclaireurs
  • Énergie, fluides, économie et BA / energy, water, gas, electricity, concrete structure : IGBAT , Briere
  • Structure bois / wood structure : Anglade Structure Bois
  • Bureau de contrôle / supervision : Apave
  • OPC / works foreman : Christian Salvador
  • Principales entreprises / main firms :
  • Gros Å“uvre / shell : JMS Constructions
  • Charpentes, façades bois / wood frame, facades : Sud Est Charpente
  • Menuiserie extérieure, occultations / exterior carpentry : SAS J'allumine
  • Revêtements de sols/ : Carrillo
  • Traitement des eaux, piscine thermale / : Crystal
  • Equipements SPA / : ID SPA
  • Electricité, courants faibles / : SPIE.

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