Architecte : Vincent Parreira Atelier Architecture Rédigé par les architectes Publié le 02/05/2016 |
L’amplificateur
urbain
C’est
en 1891 que la Ville de Paris enregistra la voie de 100 mètres
ouverte deux ans auparavant sur les terrains du sieur Delessert,
entre la rue Pierre-Dupont et le quai de Valmy. À l’extrémité
orientale, le canal Saint-Martin, aujourd’hui un lieu de promenade
et de villégiature, à l’époque une artère conduisant au bassin
de la Villette, quatrième port industriel français après
Marseille, Le Havre et Bordeaux. Une activité intense dont le
souvenir persiste à travers quelques grands bâtiments industriels :
la cité Clémentel, l’ancienne centrale électrique de la
Compagnie d’air comprimé, ou d’autres, plus discrets sur rue.
Appréhendant le contexte comme le mélange de populations, de
mémoires, d’activités et de multitudes d’expressions bâties
coexistant au sein d’un même lieu, l’opération comporte un
gymnase, vendu en VEFA Ã la ville de Paris, sur lequel se posent 69
logements sociaux. Elle entend d’abord croiser la grande échelle
de l’industrie avec l’échelle intime de l’habitation.
L’immeuble prend position le long du passage, tient l’angle des
deux rues avant de se retourner sur la rue Pierre-Dupont. Il
développe un même motif de loggia en mélèze répété sur cinq
niveaux, sans volonté d’effacer ou d’amoindrir sa présence et
le bouleversement suscités par son arrivée sur la dernière
parcelle vide du quartier, un bucolique terrain vague longtemps
occupé par un préfabriqué et une « bulle » gonflable
abritant un court de tennis désaffectés.
L’adieu
difficile à ce dernier bout de campagne à Paris, la densification
d’un espace ouvert explique le recours collectif de 180 riverains
enregistrés lors de la phase du dépôt de permis. La densification
s’accompagne néanmoins d’une diversification de programme qui
profite à l’ensemble du quartier, et d’une obligation de mixité
programmatique inscrite au PLU. Implanté le long du passage
Delessert dans un volume semi-enterré, l’équipement induit des
contraintes qui fondent les particularités du projet. La majeure
partie des logements repose sur la structure du gymnase, une série
de portiques franchissant plus de 20 m de portée, dont les poutres
forment des refends du premier niveau de logement, et déterminent la
trame des voiles porteurs supérieurs. Une faille verticale sépare
un premier complexe gymnase/logement d’un plot de moindre
dimension, comprenant des logements en étage ainsi qu’une série
de locaux de service en rez-de-chaussée : accueil gardien,
locaux de stockage divers, accès parkings, etc.
L’accès
à chaque logement est une promenade particulière qui débute dans
le hall principal, ouvert sur un jardin semi-privatif, suivant un
dispositif inspiré de ceux que l’on trouve dans les immeubles
d’habitation parisiens des années 60-70, âge d’or en la
matière. Du marbre posé suivant un calepinage en point de Hongrie
accueille le visiteur et l’habitant, volonté d’offrir dans le
secteur social une qualité habituellement réservée aux programmes
haut de gamme. L’utilisation de matériaux bruts dans la plupart
des circulations autorisait l’emploi ponctuel de matériaux
symboliquement luxueux, aussi pérenne qu’une pierre sans générer
de surcoût. Une fois passé le hall, l’habitant rejoint son
appartement en empruntant une longue coursive implantée à cinq
mètres des façades arrière. Ultime seuil, une courte passerelle
individuelle qui donnera accès à un logement toujours traversant,
complété d’une terrasse paysagère posée sur le socle du gymnase
pour tous les appartements en R+1. La superstructure des coursives
métalliques forme un paysage en soi au cœur de l’îlot, un balcon
filant donnant en surplomb sur un jardin conçu par l’agence
Roberta. Chaque logement est doté d’une loggia individuelle, dont
la profondeur variable est calculée pour laisser à l’occupant sa
légitime intimité. Au rez-de-chaussée, une résille métallique
filtre la lumière pour ne pas gêner la pratique sportive, réduit
l’exposition des sportifs et danseurs du regard des passants.
Loggias, coursives, passerelles, escaliers, espace tampon
des jardins : l’opération ménage l’intimité mais multiplie les
transparences et les porosités visuelles, quitte à aller Ã
l’encontre d’une manie contemporaine qui voudrait que la finalité
d’une construction soit d’isoler totalement tout un chacun de la
vue de l’autre. La descente aux salles semi enterrées est
magnifiée par un escalier central multipliant les transparences dans
les quatre grandes directions cardinales. Les héberges des mitoyens
deviennent un spectacle qui se déploie au cheminement de l’habitant,
littéralement projeté dans un univers pluriel de cours arrière et
courettes bruissants de destins pluriels.
Regardant plutôt du côté des pittoresques parcours domestiques de « Mon Oncle » de Jacques Tati, ou des ambiances de « Fenêtre sur cour » d’Alfred Hitchcock, le bâtiment se veut autant une machine à habiter qu’une machine à voir. Rue, ville, passant, cœur d’îlot, voisin, tout se voile et se dévoile tour à tour au gré du déplacement, ces visions fugaces amplifiant le potentiel des rencontres, magnifiant la diversité et l’énergie qui font le meilleur des métropoles.
Maîtres d'ouvrages : ICF La Sablière
Maîtres d'oeuvres : AAVP Architecture
Économie du bâtiment : Bureau Michel Forgue - Bureau d'ingéniérie des structures : EVP - Bet Fluides & SSI : Louis Choulet - Bet hqe : Oasiis - Bet acoustique : Altia - Paysagiste : Atelier Roberta
Surface de plancher : 6445 m2
Cout :14,87 M€ HT
Date de livraison : Avril 2016
Maître d’ouvrage : IMMOBILIERE 3F / EPA ORSAEquipe de maîtrise d’œuvre :ARCHITECTE : DE JEAN … [...] |
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