La rénovation par l’agence Équateur |
Dossier réalisé par Stéphane BERTHIER L’agence Équateur vient de terminer la rénovation des immeubles de la cité des Blés d’or, au Blanc-Mesnil, conçus entre 1956 et 1959 par André Lurçat. Après de multiples interventions au fil du temps qui ont altéré l’œuvre du célèbre architecte moderniste, cette dernière opération démontre la pertinence de la réflexion globale du projet d’architecture pour aborder une opération motivée initialement par les seules performances énergétiques. |
Ancien résistant et proche du PCF, André Lurçat réalisa après-guerre un très grand nombre d’édifices, de logements et d’équipements municipaux en Seine-Saint-Denis, et notamment 18 de ceux-ci au Blanc-Mesnil, dont il était architecte en chef de la reconstruction et de la modernisation. Si ses bâtiments publics sont assez bien respectés, ses cités de logements en revanche ont fait l’objet de campagne de rénovations énergétiques sans égard pour les qualités architecturales de son œuvre. Ces réhabilitations, confiées à des BET spécialisés, ont souvent conduit à des mises en œuvre d’isolation thermique par l’extérieur qui font disparaître toutes les subtilités du dessin original de Lurçat derrière 15 cm de mousse isolante. Pourtant les constructions de cet architecte moderniste sont remarquables en ce qu’elles restent empreintes d’un classicisme plein de finesse. Lurçat était attaché à l’ordre symétrique, aux proportions classiques ainsi qu’à la lisibilité d’un ordre constructif clair qui règle dans un même système géométrique les masses bâties, les percements et les menuiseries.
Composition classique
Les Blés d’or est une cité composée de barres en forme de I qui organise une symétrie inachevée autour d’un plot central. Ce dernier devait composer un axe avec un petit centre commercial resté à l’état de projet. De même, seules trois des quatre barres nécessaires au dispositif symétrique furent réalisées, probablement pour des questions de libération du foncier. Les « têtes » des barres en I sont sculptées de loggias qui affinent les angles et dessinent une verticalité élégante. Comme dans la plupart de ses projets, les baies sont soulignées d’un cadre en béton, légèrement saillant, qui donne du relief aux façades. Les fines menuiseries en acier ne venaient pas contrarier cet ordre primaire de la maçonnerie. Elles étaient elles aussi réglées par des proportions classiques qui recomposaient par exemple un rectangle d’or par division des châssis.
Une succession d’interventions malheureuses
Une première rénovation dans les années 1980 a repeint les façades en bleu, rose et jaune pastel, dans la tradition malheureuse de l’époque. Cette intervention décomposait la volumétrie originelle et altérait la clarté de la composition. En 2002, une seconde rénovation thermique remplaçait les menuiseries acier vert kaki par d’épais châssis en PVC blanc. Les découpages entre ouvrants et fixes ne respectaient plus les proportions classiques originales, cohérentes avec la maçonnerie, que Lurçat avait imaginées. Ces nouvelles menuiseries furent posées sur les dormants métalliques d’origine sans résoudre l’important pont thermique qu’ils généraient. Pire, leur épaisseur diminuait de 30 % le clair de vitrage et réduisait d’autant la qualité de l’éclairage naturel des logements ainsi que les apports d’énergie solaire gratuite. En 2004, une opération ponctuelle défigurait les halls d’entrée en saillie sur les façades, supprimait les pavés de verre, désormais remplacés par un grand châssis vitré en aluminium, aux proportions bancales.
Une approche attentive et performante
Les Blés d’or ont toutefois échappé jusqu’ici au grand emballage d’ITE et la finesse des cadres maçonnés des baies y est encore lisible. En 2016, la cité faisait l’objet d’une opération de résidentialisation, portant sur les espaces extérieurs et leur clôture. Mais aucune de ces opérations ne fut inscrite dans un projet d’architecture à proprement parler. L’agence Équateur a abordé cette quatrième réhabilitation par un diagnostic historique, énergétique et fonctionnel qui lui a permis de hiérarchiser les actions à entreprendre pour améliorer les performances et l’habitabilité des immeubles, dans le respect du travail de Lurçat. Ce travail a commencé par une recherche fouillée dans les archives de l’Institut français d’architecture et de la mairie du Blanc-Mesnil pour reconstituer une documentation sur l’état original de l’édifice.
L’audit thermique a montré que les parties pleines de façades n’avaient pas un très grand impact sur les déperditions globales, eu égard à la grande surface de baies et au bon coefficient de forme de la construction. Les architectes ont donc fait le choix d’installer des vitrages très performants, mixtes PVC-alu, dont le dessin reprend celui de Lurçat, et de traiter l’isolation des façades par un enduit isolant Diasen de 3 cm d’épaisseur seulement, à base de chaux, d’argile et de liège. Ce revêtement est biseauté au raccord avec les cadres maçonnés des baies de telle sorte que leur relief soit conservé. L’agence Équateur a aussi fait réaliser une étude stratigraphique des différents revêtements et couleurs des façades pour déterminer l’état d’origine. Cette recherche a permis de restituer le kaki pâle initial des menuiseries. Les cadres en béton retrouvent leur jaune clair tandis que la profondeur et la verticalité des loggias s’affirment par un enduit rouge corail. Les baies sont désormais munies de persiennes pliantes en aluminium laqué qui assurent la protection solaire et l’occultation nocturne. Sans sacraliser l’état d’origine, l’ensemble des choix des architectes convergent pour révéler la composition initiale d’André Lurçat qui retrouve ainsi son élégance première tout en atteignant la performance BBC-Rénovation recherchée.
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