Métabolisme urbain est une réflexion sur l’économie circulaire et le réemploi à l’échelle territoriale de Plaine Commune. |
Dossier réalisé par Cyrille VÉRAN En 2014, l’établissement intercommunal de Plaine Commune lance une première étude sur les principaux flux entrants et sortants – alimentation, énergie, BTP, etc., propres à son territoire. Son bilan rend compte qu’un tiers de ces flux est issu du secteur de la construction. Un chiffre appelé à croître en raison de la dépendance du territoire à son approvisionnement et au traitement de ses déchets, mais aussi des nombreux programmes immobiliers planifiés (arrivée des JO, de sept gares du Grand Paris Express, rénovation de 14 quartiers NPNRU…). En 2017, Plaine Commune décide de lancer un plan d’action opérationnel, spécifique au secteur du BTP, en vue d’expérimenter une démarche d’économie circulaire sur les chantiers et de s’engager dans d’autres démarches d’aménagement. |
Faire le lien entre les opérations de déconstruction et celles à venir, absorber les matériaux issus de la transformation de la ville pour les remettre en œuvre, stocker sur un foncier vacant… Le projet de « Métabolisme urbain » mis en place par Plaine Commune démontre la pertinence de l’échelon intercommunal pour inscrire, puis généraliser l’économie circulaire sur un territoire. Son plan d’action, qui fait suite à des expérimentations sur une trentaine de sites pilotes, se décline dans une charte que les porteurs de projet s’engagent à signer. Cette charte implique pour eux de réaliser un diagnostic ressources et déchets sur chaque chantier de démolition. « Si le diagnostic déchets a été rendu obligatoire par la législation et a permis de valoriser les filières de recyclage, la révolution est de systématiser le diagnostic ressources », explique Justine Emringer, cheffe de projet Métabolisme urbain. Ils doivent aussi dédier 1 % du montant des travaux au réemploi et à la réutilisation dans les constructions neuves et 20 % pour les aménagements d’espaces publics intégrant aussi la part de recyclage. Cependant, les opérateurs ne sont pas assujettis à des clauses de pénalités en cas de non-respect du réemploi. Ils doivent en revanche s’engager à faire un retour d’expérience devant les élus, pour justifier en quoi ces objectifs n’ont pas été atteints. « Nous pouvons comprendre la difficulté, car ce marché est fluctuant et les assurances peuvent aussi demander des garanties qui ne sont pas toujours faciles à obtenir pour les produits de réemploi. »
Pour les accompagner, Plaine Commune mobilise plusieurs ressorts. Elle consacre un volet à la formation, par la visite de sites où a été expérimenté le réemploi, un moyen aussi de les rassurer. Elle met également à leur disposition un annuaire des acteurs spécialisés dans la déconstruction, dans le sourçage des matériaux de réemploi, et la liste des plateformes physiques présentes sur son territoire. Les diagnostics ressources donnent lieu également à l’édition d’un catalogue des matériaux recensés, adressé à l’ensemble des partenaires, maîtres d’ouvrage, bureaux d’études, entreprises, collectifs d’habitants. L’intercommunalité peut aussi être consultée pour la recherche d’un produit spécifique. Elle se charge alors de faire le lien entre la demande et l’offre en faisant en sorte de faire coïncider le gisement identifié avec le timing du chantier, les plateformes ne pouvant stocker les matériaux pas plus de quelques mois.
Pérenniser le business model
Car s’il y a un enjeu, c’est bien celui de sécuriser ces gisements en commençant par leur trouver des terrains d’accueil. Les élus ont formulé quelques réticences à ces installations de stockage et de transformation de la matière sur leurs communes. « Mais elles ont été vite levées par les avantages d’accueillir ce type d’activité sur notre territoire : ce projet concourt à la création de filières de valorisation du BTP, à l’insertion professionnelle sur un territoire frappé par le chômage, à la réduction des déchets et des nuisances sonores et polluantes en minimisant le ballet des camions », poursuit Justine Emringer. Plaine Commune a ainsi accompagné la création d’une plateforme à la Courneuve, Solid-R, pilotée par l’association RéaVie, la troisième de l’association en Île-de-France. Elle a participé à son financement avec d’autres partenaires, dont Eiffage, à l’identification du foncier – un terrain de Plaine Commune Aménagement cédé pour un bail de trois ans – et se charge de lui donner une visibilité. Le pourcentage de réemploi exigé dans la charte assure également une activité à l’association. D’autres plateformes travaillent au pied des chantiers et sont mobiles. C’est le cas de Cycle Up, en partenariat avec Bouvelot TP, qui a récemment installé un chapiteau de 1 000 m2 à Saint-Ouen.
L’urbanisme transitoire est un bon levier pour déployer ces plateformes sur des fonciers abordables et leur laisser le temps de se structurer. Les propriétaires les voient aussi d’un bon œil car elles sont un moyen de sécuriser les sites et de contribuer à leur animation. Mais la prochaine étape selon Justine Emringer est de déployer une stratégie foncière qui puisse pérenniser l’économie circulaire sur le territoire. « Aujourd’hui, les élus sont rassurés sur le business model du réemploi et le fait qu’il n’occasionne pas de nuisances. Nous avons les arguments pour les inciter à se saisir des opportunités de mise à disposition de foncier. L’enjeu est de pérenniser ces plateformes qui vivent, pour le moment, sur les activités annexes (curage, accompagnement et conseils, diagnostics ressources) et non sur la vente des matériaux. »
Le réemploi dans les nouvelles opérations se limite actuellement à des actions simples : installation d’une base vie de chantier, ameublement intérieur ne nécessitant pas de garanties spécifiques, sanitaires au sous-sol… Il n’est pas encore fléché pour être compatible avec les choix de l’architecte. « L’intégration des matériaux affiliés à l’économie circulaire dans les constructions neuves peut engendrer quelques surcoûts. Mais cela s’équilibrera à terme compte tenu de l’augmentation des prix des matières premières “neuves” et de la mise en décharge. Aujourd’hui, il faut que les acteurs acceptent de payer un peu plus cher pour soutenir ces filières. » Dans l’immédiat, Plaine Commune n’envisage pas de relever le pourcentage affecté au réemploi, car les filières ne sont pas encore prêtes. Mais il doit permettre son décollage, selon la cheffe de projet, qui est presque certaine que d’ici cinq ans les filières de réemploi seront plus rentables que celles de l’industrie courante.
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