Reconversion de l’Institut de génie civil, Liège

Architecte : Baumans-Deffet et Alain Dirix
Rédigé par Cyrille VÉRAN
Publié le 06/04/2017


La reconversion de l’Institut de génie civil de l’architecte belge Joseph Moutschen (1895-1977) constitue la première opération d’un nouvel écoquartier aménagé dans l’ancienne faculté des sciences appliquées du Val Benoît, à Liège. Pour répondre aux objectifs de rentabilité du maître d’ouvrage, la SPI, les architectes Baumans et Deffet associés à Alain Dirix et au Bureau d’études Lemaire (BEL) transforment ce patrimoine, considéré comme l’un des plus emblématiques de l’architecture moderniste, en open building, capable d’accueillir tout type d’activité.    

 

En arrivant par le sud, après avoir laissé derrière soi le paysage saisissant des hauts fourneaux de Seraing, Val Benoît est la première vision que l’on a de Liège. Campé sur les quais de la Meuse, cet ensemble de bâtiments en brique des années 1930, occupé par la faculté des sciences appliquées jusqu’en 2005 puis abandonné, est répertorié à l’inventaire de l’architecture moderniste comme l’une des plus emblématiques de la région wallonne. Pour remédier à un état de délabrement qui sied mal à une entrée de ville, la SPI – l’agence de développement économique de la province de Liège – poursuit depuis 2012 l’objectif de transformer cet ancien campus de 9 hectares en un quartier mixte de logements, d’activités économiques et de services. Chargés d’en élaborer le masterplan, les architectes belges Arlette Baumans et Bernard Deffet ont pris le parti de préserver les bâtiments existants et de valoriser l’armature végétale du site qu’ils densifient avec des constructions neuves. Première pierre de cette lente mutation, la reconversion de l’Institut de génie civil. Ce bâtiment de l’architecte Joseph Moutschen, livré en 1936, fut loué par la critique de l’époque pour la rationalité de son plan et de sa structure qui autorisait déjà, bien avant que cela devienne un sujet, la flexibilité de ses occupations. Les volumes distribués par de larges couloirs et baignés de lumière naturelle se répartissent dans quatre ailes autour d’une cour centrale. Le quadrilatère se complète d’une extension, autrefois affectée au laboratoire hydraulique, et d’un pavillon. 

 

Éditeur 

Baumans et Deffet, associés pour l’occasion à Architecture Alain Dirix et au Bureau d’études Lemaire, n’en sont pas à leur première intervention sur le patrimoine du XXe siècle. Avec beaucoup de patience, ils ont transformé en pôle économique et culturel une ancienne laiterie dans le centre-ville de Dison, promise à démolition par le promoteur (voir d’a n° 241, décembre 2015/janvier 2016). De leur point de vue, face au commanditaire, une attitude d’éditeur est préférable à celle d’auteur lorsqu’il s’agit de recycler des bâtiments. Comprendre par-là qu’ils défendent non pas un projet abouti mais une stratégie, qui s’apprécie au cas par cas, en fonction d’une série de paramètres à évaluer selon un juste équilibre. Dans ce cas par cas, la démolition n’est pas toujours combattue, elle s’avère parfois nécessaire, comme au Génie civil. Si le respect de l’oeuvre de Moutschen s’imposait, le cahier des charges exigeait néanmoins d’optimiser les surfaces à louer pour répondre aux impératifs de rentabilité économique de la SPI. Or, entre les couloirs, les escaliers et les auditoriums, les surfaces non commercialisables représentaient près de la moitié de la superficie totale. La solution : démolir les deux auditoriums occupant la cour centrale pour gagner en efficacité au niveau des circulations. Solution qui a suscité un vif débat avec la Commission du patrimoine de Wallonie mais, comme le souligne Bernard Deffet, celle-ci a permis d’envisager un avenir au bâtiment. Une passerelle surmontée d’une terrasse relie désormais directement les deux entrées, côté quai et côté campus un niveau plus bas, autorisant toutes les configurations possibles pour les espaces à louer. 

 

Plug and play 

La démolition acquise, la question de l’économie n’est pas totalement réglée pour autant. La SPI n’ayant pas commercialisé les surfaces en amont des études, la restructuration doit permettre tous les cas de figure d’occupation, incluant pêlemêle start-up, bureaux haut de gamme, espaces de coworking ou ateliers de production. Ce qui rend cette opération plus complexe que des bureaux en blanc. Reprenant à leur compte la notion d’« open building » développée par le théoricien John Habraken, les architectes mettent tout en oeuvre pour réaliser un support construit adaptable, moyennant pas mal de contraintes techniques à résoudre. Les calculs de charge et de débit d’air sont révisés à la hausse pour augmenter au maximum la capacité d’accueil. Les nuisances phoniques et vibratoires sont résolues par la pose, sur la dalle de béton nervurée existante, d’une chape à haute résistance mécanique extra-fine (4 cm, bien qu’intégrant un isolant acoustique) de manière à conserver le niveau des sols. Tous les fluides – y compris l’air comprimé – sont discrètement regroupés dans trois gaines réparties sur les plateaux livrés bruts, à partir desquelles les entreprises peuvent se brancher facilement et à moindres frais. Les beaux volumes de Moutschen peuvent ainsi être épargnés des habituels faux plafonds et faux planchers des programmes tertiaires, au choix des occupants. Les façades rénovées préservent également les proportions des baies et murs-rideaux d’origine. La clairvoyance de ce mode opératoire préfigure- t-elle les reconversions à venir sur ce site ? Pas sûr. S’il est une spécificité belge, c’est bien de ne pas faire du masterplan un document juridiquement contraignant. De quoi laisser toute latitude pour satisfaire les futurs maîtres d’ouvrage.  

 



Maîtres d'ouvrages : SPI
Maîtres d'oeuvres : association momentanée Baumans Deffet Architecture & Urbanisme, Architecture Alain Dirix et Bureau d'études Lemaire (BEL) - Paysagiste : Du paysage - BET structure et fluides : BEL - BET performance énergétique : Matriciel - Acoustique : ATS - Concepteur lumière : Jacques Fryns - Contrôle technique : Bauko-Rausch
Programme : Bureaux, ateliers et espaces entreprises
Surface : 14 323 m2
Coût : 18 984 000 euros HT
Date de livraison : Septembre 2016


Lisez la suite de cet article dans : N° 252 - Avril 2017

La cour centrale du bâtiment après démolition des deux auditoriums. Une passerelle relie aujourd’hui les deux entrées, côté quai et côté campus.<br/> Crédit photo : FAIVRE Maud Le bâtiment rythmé par ses murs rideaux. L’aile au premier plan, autrefois occupée par le laboratoire hydraulique, a été sectionnée pour ne garder que la partie d’origine.<br/> Crédit photo : FAIVRE Maud Les façades dans la cour sont rénovées sans pastiche, une brique blanche complétant la brique jaune sablée des années 1930.<br/> Crédit photo : FAIVRE Maud Les volumes peuvent être maintenus dans leur état brut, la question des fluides étant résolue par trois gaines techniques réparties sur les plateaux.<br/> Crédit photo : FAIVRE Maud L’aile côté quai a été aménagée en surfaces à louer par la SPI. La résine au sol réinterprète les motifs des carrelages de Joseph Moutschen. Le cloisonnement préserve la largeur du couloir tel qu’il l’avait conçu. Les nouvelles menuiseries en triple vitrage extra-clair (Schüco) sont repositionnées au nu extérieur des poteaux, eux-mêmes doublés par des U en aluminium de proportions identiques.<br/> Crédit photo : FAIVRE Maud L’un des deux escaliers monumentaux préservés et discrètement mis aux normes (cf. la lisse au-dessus du garde-corps)<br/> Crédit photo : FAIVRE Maud

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