4e jour de chantier du pavillon de la boxe au Parc de la Villette © Nour Abdelmoumen / Ecole de Paris Val-de-Seine |
Depuis un mois et jusqu’au 3 septembre, le Parc de la Villette accueille les pavillons imaginés par vingt écoles d’architecture françaises dans le cadre de l’évènement ArchiFolies. Cette aventure inédite est portée par le Ministère de la Culture, le Comité National Olympique et Sportif Français et le Grand Parc de La Villette. Elle a permis aux équipes pédagogiques de chaque ENSA d’expérimenter à l’échelle 1. Une année durant, les étudiants de master ont planché sur ces pavillons représentant et accueillant chacun une fédération sportive. |
Pensés pour être mobiles et innovants, ils ont été l’occasion de réfléchir collectivement à la construction d’un édifice intégrant les thématiques du biosourcé, de la valorisation ou encore du réemploi. Le temps d’un été, le parc de la Villette se fait la vitrine nationale de l’excellence des enseignements des écoles d’architectures françaises et ce, à peine un an après la mise en lumière de leur fragilité et de la lutte pour leur sauvegarde.
À la fin du mois de mai, les habitués du Parc de la Villette ont pu voir
s’ériger de petites folies bien singulières aux côtés de celles qu’ils côtoient
ordinairement. Portées par les étudiants de vingt écoles d’architecture, elles
sont un clin d’œil aux structures rouge vif quadrillant le plan de Bernard
Tschumi, à l’occasion parrain de l’évènement. Contrairement aux folies de
l’architecte suisse, ces nouveaux pavillons éphémères ont été imaginés pour un
dessein fonctionnel1.Pavillons des fédérations sportives
françaises - de la voile au tir à l’arc et du rugby à la boxe -
les petits édifices célèbrent au-delà de la discipline sportive, celles de
l’architecture et de l’acte de bâtir. Afin de coordonner l’intégration
paysagère des vingt nouvelles folies, l’atelier Germe&Jam a imaginé un plan
guide sur la base duquel les équipes se sont implantées. Les parcelles allouées
et le deck de déambulation respectent les proportions des folies de Tschumi,
soit la base d’un cube de 10m80.
Dressés en moins de dix jours le long du canal de l’Ourcq et de la
philharmonie, les assemblages de bois, les structures en paille ou encore en
bambou, ont été montés par les étudiants sur place, sous la coordination des
Grands Ateliers. En réemployant de la toile de montgolfière, de la toile de
trampoline ou encore des caissons en bois, les étudiants ont tous fait preuve
d’une grande créativité dans la mise en œuvre de leur pavillon respectif. Après
plus d’un an de travail, de la conception à la quête des matériaux jusqu’à la
recherche de mécènes, de sites de stockage et d’outillage, les pavillons sont
enfin visitables. Les étudiants, encadrés de leurs équipes pédagogiques et des
Grands Ateliers, centre de formation décrit par Florence Lipsky2
comme « mi-usine, mi-école » ont pu aller au-delà de l’architecture
de papier.
Prétexte pour penser et faire du projet autrement au sein des écoles d’architecture, le suivi intégral des pavillons jusqu’à leur seconde vie est un révélateur de la pluridisciplinarité des savoirs-faire utiles à la formation de l’architecte. Responsabilisant et autonomisant ces futurs professionnels face à des tâches auxquelles ils n’ont pas ou peu été confrontés dans leur cursus, l’enseignement produit renouvelle les pédagogies traditionnelles. Historiquement, l’échelle 1, qui sollicite de l’espace et un équipement spécifique, était rare dans les écoles héritières des Beaux-Arts plus classiquement orientées vers le dessin. Aujourd’hui, à travers entre autres, les domaines d’études expérimentaux et les départements de recherche qui se sont pour certains impliqués dans les Archifolies, les écoles proposent une nouvelle manière d’éprouver le projet mais aussi de penser le métier d’architecte, sa relation et ses limites avec celui de bâtisseur.
Toutes singulières, les folies sont l’illustration de multiples pédagogies
et courants de pensée cultivés dans les écoles d’architecture. Il y a un an, Ã
l’aube des grèves initiées par l’ENSA Normandie puis soutenues à échelle
variable par les ENSA de tout le pays, une tribune publiée dans d’a nous
rappelait combien nos écoles d’architecture étaient menacées malgré un niveau
d’excellence en constante augmentation. Valéry Didelon y alertait notamment sur
les moyens donnés par l’État pour l’enseignement de l’architecture en France
qui ne sont ni à la hauteur des objectifs qui lui sont assignés, ni à celle de
sa qualité in fine3. En parallèle, une pétition4,
soutenue par plus de trois-cents signataires étudiants ou enseignants, rédigée
sous la bannière du collectif Ensa en lutte par l’architecte Guillaume
Nicolas, enseignant-chercheur à l’ENSA Normandie appelait les écoles Ã
boycotter l’évènement des Archifolies. Au total, ce sont dix-huit ENSA
auxquelles s’est jointe l’Ecole spéciale d’architecture qui ont participé. Les
écoles de Normandie et de Nantes avaient décidé de ne pas contribuer. Par ce
boycott, elles entendent protester contre l’importance croissante du mécénat
dans le financement des écoles, tendance qu’elles voient comme une « porte
ouverte à l’entrée des intérêts d’entreprises privées dans la pédagogie ».
Une réaction qu’il faut mettre en regard des difficultés qu’ont aujourd’hui
beaucoup d’ENSA à assurer les budgets dédiés à la maintenance, à l’entretien et
à l’administration et alors que de nombreux postes d’enseignants nécessaires Ã
la mise en place des réformes ne sont pas pourvus.
Le programme pédagogique de l’école de Normandie, permettra cependant aux
étudiants de manipuler l’échelle 1, Archifolies ou pas.
Festive et témoignant du talent de nos écoles, l’initiative est une
indéniable réussite aux yeux de ses participants. Village Potemkine de
l’austérité du ministère envers l’enseignement de l’architecture ou point de
départ d’une impulsion d’un État croyant à l’avenir de ses futurs architectes,
c’est à la rentrée prochaine que nous saurons comment interpréter ces
ArchiFolies.
1. La case vide, Bernard Tschumi, Architectural Association, 1986
2. Les Grands Ateliers, un lieu unique de formation, d’expérimentation
et de recherche en architecture, presses universitaires de Saint Etienne,
2020
3. Formation
des architectes : less is no more, Valéry Didelon, d’a n°305, mars 2023
4. Le plus important c’est de ne pas participer- Appel à boycott des Archifolies,
pétition publiée en mars 2023 sur framaforms.org
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