Querelles de ménage au Palais de Justice, les déboires du PPP

Rédigé par Marie-Anne DUCROCQ
Publié le 14/06/2019

Querelles de ménage au TGI

La vie du nouveau Palais de Justice, dessiné par Renzo Piano et livré en avril 2018 dans le quartier des Batignolles, connaît depuis ses quelques mois d’existence quelques turbulences internes. Le partenariat public privé (PPP) auquel se sont essayés l’institution judiciaire et le groupe Arélia, reçu par beaucoup avec scepticisme, semble ici révéler ses limites au point que le journal Le Monde en a fait hier sa une. 

En février 2012, un partenariat public privé était signé entre l'Établissement Public du Palais de Justice de Paris et le groupe Bouygues. Ce type de contrat permet à l’État de faire financer un bâtiment par les géants du BTP, auxquels il s'engage à verser d'importants loyers, incluant parfois le coût de l'entretien et de la maintenance, sur des durées de 15, 30, voire 40 ans. Ce type de marché permet de lancer de vastes programmes sans engager immédiatement des dépenses trop élevées, en reportant à plus tard leur paiement. Des PPP ont par exemple été signés pour le financement du Ministère de la Défense à Balard ou encore la Seine Musicale à Boulogne. Pour le Tribunal de Grande Instance (TGI), l’État s’est engagé à payer un loyer pendant vingt-sept ans à la société Arélia. Bouygues, qui est actionnaire de cette dernière, a mené les travaux du nouveau tribunal, et assure aujourd’hui sa maintenance.


Un an après la signature du contrat, un rapport de la Cour des Comptes déplorait le coût considérable des PPP, qui augmente de façon exponentiel, les loyers étant multipliés au fur et à mesure des années. Il était reproché au ministère l’absence de mise en place d’une politique budgétaire concrète permettant de soutenir sur le long terme les engagements pris dans les PPP. Ce type de contrat réduit en outre le nombre d’acteurs des marchés : seules les sociétés ayant un poids financier, juridique et administratif suffisants pour répondre à ces appels d'offres peuvent s’y engager. Enfin, la maîtrise d'œuvre tend à perdre de sa légitimité, en étant subordonnée au groupe privé, lui-même mû par la nécessité de se constituer une marge maximale.


Les débuts chaotiques du TGI de Paris ont révélé un autre problème, la difficile entente entre les propriétaires et les occupants du lieu, le président du tribunal, Jean-Michel Hayat bénéficiant d’une marge de manœuvre assez réduite dans la gestion de l’institution juridique. En témoignent les évènements récents, relatés dans l’article « L’ubuesque gestion privée du Palais de Justice de Paris » publié en une du Monde, les doléances émanent des deux côtés. La société propriétaire dépose de son côté des plaintes pénales quand surviennent des altérations dans l’édifice. Les magistrats, eux, regrettent de ne pouvoir disposer comme ils le souhaitent des murs de leurs propres bureaux, qui ne leurs appartiennent pas, ou des délais requis pour installer une prise. Ils dénoncent un manque de transparence des montants demandés par Arelia pour l’organisation des audiences, et la température trop basse de certaines salles, autour des « 19° gravés dans le contrat » signé en 2012. Le PPP engendre une lourdeur des décisions, les nombreux ajustements que réclame un bâtiment neuf mettant des mois à se résoudre. Les surcoûts sont considérables, tout ce qui n’est pas inscrit dans le contrat initial étant payant, jusqu’aux tableaux de présentation. Ces mésententes sont-elles temporaires, liées à la « mise en route » d’un bâtiment récent, ou préfigurent-elles le déclin des contrats PPP, que beaucoup souhaitent voir disparaître ? Si les conflits s’éternisent, les plus endurants peuvent prendre leur mal en patience, le TGI retournera entre les mains de l’Etat en 2044…

 

Pour consulter l’article du Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/12/couts-exorbitants-dialogues-de-sourds-enquete-sur-la-gestion-ubuesque-du-palais-de-justice-de-paris_5474961_3224.html

Les articles récents dans Actus brèves

Parcours immersif au cœur des grands magasins Publié le 13/11/2024

Jusqu’au 6 avril à la Cité de l’architecture et du patrimoine, « La saga des grands magasins … [...]

Quartiers de demain : lancement de la consultation internationale Publié le 13/11/2024

17 ans après le projet du Grand Paris lancé par Nicolas Sarkozy, une nouvelle consultation interna… [...]

« La mémoire Vive », à la découverte du processus créatif chez Philippe Prost. Publié le 28/10/2024

L’Exposition consacrée à Philippe Prost, aura lieu jusqu’au 23 mars 2025 à la cité de l’ar… [...]

« Montrer qu’il est possible de vivre dans un patrimoine adapté, économe et confortable » Publié le 22/10/2024

L’exposition des lauréats du concours étudiant « (Ré) inventer l’existant » à découvrir j… [...]

« Films en chantier » : Masterclass, projection du film "Les Insulaires" Publié le 16/10/2024

A l’occasion des Journées Nationales de l’Architecture, d’a s’associe au festival Close-Up … [...]

Une école de Prouvé méconnue à découvrir Publié le 07/10/2024

La découverte de mobilier Jean prouvé dans l’école Kerglaw à Inzinzac-Lochrist près de Lorien… [...]

.

Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :

Vous n'êtes pas identifié.
SE CONNECTER S'INSCRIRE
.

> L'Agenda

Novembre 2024
 LunMarMerJeuVenSamDim
44    01 02 03
4504 05 06 07 08 09 10
4611 12 13 14 15 16 17
4718 19 20 21 22 23 24
4825 26 27 28 29 30  

> Questions pro

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6

L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l…

Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6

L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent.

Quel avenir pour les concours d’architecture publique 2/5. Rendu, indemnité, délais… qu’en d…