- |
Le
Grand Débat National a été engagé par le gouvernement pour permettre aux
professionnels comme aux particuliers d’ouvrir la discussion autour de quatre
thématiques. Chacun peut apporter sa contribution, des réunions locales seront
les catalyseurs de nouvelles initiatives publiques. Les architectes, urbanistes
et paysagistes ne devraient-ils pas se saisir de cette opportunité pour faire
valoir ce qu’ils peuvent apporter au débat ? |
Suite au mouvement des
« gilets jaunes », le gouvernement a inauguré le 15 janvier 2019 le Grand
Débat National. Articulé autour de quatre thèmes – transition écologique,
fiscalité, organisation de l’Etat, démocratie et citoyenneté- il invite les
citoyens à contribuer via différents
moyens à cette consultation: questionnaires, espaces de partage en ligne,
stands de proximité ou encore possibilité de participer à des réunions locales.
Les architectes, urbanistes et
paysagistes doivent aussi se mobiliser et partager leur savoir-faire pour enrichir
le débat. L’architecte et enseignant Michel Bourdeau apporte par exemple sa
contribution sur le thème 1 « Transition écologique » :
L’URBANISME EN FRANCE DEPUIS QUATRE DECENNIES
POUR UNE ARCHITECTURE
DU TERRITOIRE
Extrait
de la Lettre du Président de la République :
« Quelles sont les solutions pour se
déplacer, se loger, se chauffer, se nourrir qui doivent être conçues plutôt au
niveau local que national ? Quelles propositions concrètes feriez-vous pour
accélérer notre transition environnementale ? »
Thème
1 du GRAND DEBAT NATIONAL : LA TRANSITION ECOLOGIQUE
Question 16 : « Que pourrait
faire la France pour faire partager ses choix en matière d’environnement au
niveau européen et international ? »
-------
Le
mouvement des Gilets Jaunes peut être regardé comme l’une des manifestations de
tous nos échecs en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire.
Depuis
les années 80, nos gouvernements successifs ont fait le choix de nous imposer
un mode de vie dénué de toute humanité, affranchi de toute mesure. Centres
commerciaux hors d’échelle, autoroutes abstraites des paysages, banlieues
infinies, petites villes et villages abandonnés, tissus industriels désertés,
parcs de loisirs imposés, agriculture sacrifiée, animaux emprisonnés, air et
eau pollués.
La
laideur est partout, sauf dans les traces aujourd’hui quasi archéologiques des
anciens centres historiques, préservés pour le tourisme de masse marchandisés
aux chinois et aux européens du nord.
Il
était inévitable qu’un si grand saccage, mené à une telle échelle, conduise
l’homme le plus ordinaire, le plus instinctif, à se révolter et à dire stop.
Nous y sommes.
Contrairement
aux 2 siècles précédents, un architecte n’a plus aujourd’hui aucune opportunité
de proposer des projets d’aménagement de nos espaces et de nos territoires.
Si
nous en avions l’occasion, nous le ferions à partir de ces 7 invariants :
1.
COMMERCES
/ GRANDES SURFACES
Le
consumérisme outrancier plonge le monde occidental dans une impasse écologique.
Les
grandes surfaces constituent une rente majoritairement pour 3 grands groupes
(certes pourvoyeurs d’emplois mais souvent à temps-partiel). Les hypermarchés
ont faussés le marché concurrentiel et ont détruit une très grande partie des
commerces de proximité, indispensables aux liens et à l’échange.
Nous proposons de stopper tous les permis de construire
actuellement délivrés pour les grandes surfaces, pour les sites urbains, mais
aussi pour les sites péri-urbains et ruraux.
2.
ROUTES
/ AUTOROUTES
La
vitesse n’est plus ni une nécessité, ni un plaisir. Favoriser les
ralentissements mécaniques ne doit pas se faire par l’amende ou par
l’augmentation des taxes. Le temps du transport doit être intégré au temps du
travail. Les routes doivent être à nouveau bien entretenues, mieux sécurisées
et végétalisées.
Nous proposons de consacrer 1/3 de la rente autoroutière Ã
la redynamisation du réseau des routes nationales et départementales. Et
ensuite de déconstruire toutes les autoroutes à 2 décimales. Seules les grandes
autoroutes d’intérêt national et
international seront préservées.
3.
PETITE
ECHELLE / GROSSE ECHELLE
Depuis
plus de trente ans la commande publique ne jure que par les gros
chantiers : gros équipements, gros hôpitaux, gros musées, gros lycées,
grosses universités, gros tribunaux,…Tout est devenu gros, impotent et
pachydermique. Ce syndrome néo-gaullien (LE France, LE Concorde, LES Centrales,…)
est en fait un titanic territorial et financier.
Nous proposons que plus aucun programme public ou privé
n’excède 10 000 M2 de surface nette et ne dépasse 10 mètres de hauteur. Au-delÃ
de cette surface optimale, nous demandons que chaque M2 de plancher bâti soit
accompagné de 10 M2 de jardin et de 100 M2 de culture agricole ou vivrière.
4.
NATURE
/ VILLE
Historiquement,
nature et ville ne se sont jamais opposées. Par son intelligence, son bon sens et sa patience, l’homme savait
organiser le naturel et l’artificiel de manière harmonieuse. A partir des
années 50, la ville n’a plus été circonscrite. L’impératif de la quantité et de
l’uniformité a fait sombrer notre pays dans l’amnésie et la laideur. Les sols
sont bitumés et imperméables aux eaux des pluies. Les objectifs financiers
court-termistes dictent les zones : industrielles, artisanales,
commerciales, résidentielles, éducatives,…Pourtant, sur une vue satellite
nocturne, la ville demeure heureusement très minoritaire par rapport à la
nature.
Nous demandons de stopper toutes les formes d’extensions
urbaines en cours : métropoles, villes, banlieues, villages. Elles peuvent
encore être densifiées sans dépasser leurs limites actuelles. Il faut en même
temps satisfaire les demandes de nombreux habitants qui aspirent à vivre dans
des lieux isolés de tout. La dispersion, la très faible densité à l’hectare est
une liberté primitive fondamentale. D’ici peu d’années, les nouvelles
techniques de déplacements autonomes et propres permettront de dé-centrer la
ville et de re-naturaliser l’ensemble du territoire.
5.
VEGETAL
/ MINERAL
L’animal
n’est pas fait pour vivre en ville. L’homme non plus. L’industrialisation,
d’abord ferroviaire puis automobile, nous a contraint à vivre cet enfermement.
Le télé-travail, la numérisation et la robotique sont entrain de faire sauter
ce carcan biséculaire. Très bientôt, nous vivrons tous au calme, entourés
d’oiseaux, d’arbres et de rivières.
Nous demandons que chaque nouvel emploi créé soit situé en
dehors des villes. Que chaque départ en retraite soit remplacé par un poste de
travail à distance. Nous proposons que l’empreinte carbone de toute nouvelle
construction du secteur tertiaire soit de zéro : matériaux, énergies,
durabilité, luminosité, maintenance.
6.
PROXIMITE
/ LOINTAIN
L’exclusion
ressentie aujourd’hui par beaucoup de français, si elle est effectivement
économique, est avant tout psychologique. Se savoir loin de tout s’accompagne
d’un sentiment d’abandon. Loin du savoir, loin de l’information, loin de la
dynamique collective. Nous pouvons être physiquement proches de nos voisins
mais très éloignés du monde.
Nous demandons que chacun soit relié à chacun. Que chaque
habitant de tout point du territoire puisse accéder en langue française aux
richesses du commun national : histoire, littérature, philosophie,
sciences, arts, théâtre, cinéma, musique, gastronomie. Tout lointain sera
intégré comme proche.
7.
LIEUX
/ NULLE PART
Les
lieux sont la condition première de l’établissement de l’homme dans l’espace.
Les lieux c’est ici et maintenant : ils sont bornés, limités,
identifiables. L’espace c’est nulle part : il est infini, a-humain, hors
des temps. La condition post-moderne a généré une rupture dans nos tréfonds
archaïques et anthropologiques. Elle est la source de souffrances quotidiennes.
Nous proposons que les architectes, pour chacun de leurs
édifices, créent des intériorités de silence, des cloîtres de paix, des
lumières de silence. Ils doivent pour cela s’interroger sur la justesse de
leurs actions : lieux, programmes, coûts, échelle, solidité, symboles,
images.
Michel BOURDEAU Architecte –
JANVIER 2019
Retrouvez la contribution de Michel Bourdeau sur le site du Grand Débat ainsi que le texte de Philippe Ameller, "L'architecte, le maire et le rond point"
Jusqu’au 6 avril à la Cité de l’architecture et du patrimoine, « La saga des grands magasins … [...] |
17 ans après le projet du Grand Paris lancé par Nicolas Sarkozy, une nouvelle consultation interna… [...] |
C’est au sein de l'espace Niemeyer à Paris qu’ont été dévoilés le 6 novembre les lauréats … [...] |
L’Exposition consacrée à Philippe Prost, aura lieu jusqu’au 23 mars 2025 à la cité de l’ar… [...] |
L’exposition des lauréats du concours étudiant « (Ré) inventer l’existant » à découvrir j… [...] |
A l’occasion des Journées Nationales de l’Architecture, d’a s’associe au festival Close-Up … [...] |
Réagissez à l’article en remplissant le champ ci-dessous :
Vous n'êtes pas identifié. | |||
SE CONNECTER | S'INSCRIRE |
> Questions pro |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 4/6
L’apparente exhaustivité des rendus et leur inadaptation à la spécificité de chaque opération des programmes de concours nuit bien souvent à l… |
Quel avenir pour les concours d’architecture ? 3/6
L’exigence de rendus copieux et d’équipes pléthoriques pousse-t-elle au crime ? Les architectes répondent. |