Une expo béton au MAC VAL

Rédigé par Justine VIGNERES
Publié le 13/04/2018

Kader Attia, Untitled, 2009, installation couscous, 20 moules, peinture acrylique noire, 15 x 400 x 400 cm © Adagp, Paris 2018

Kader Attia a investi l’espace du MAC VAL pour l’exposition « Les racines poussent aussi dans le béton Â», ouverte au public jusqu’au 16 septembre 2018. Une occasion unique pour l’artiste d’exposer des travaux déjà acquis par le musée, d’en réinterpréter certains et de composer de nouvelles Å“uvres sur une partition qui lui permet aujourd’hui de diriger, selon ses propres termes, un « opéra en plusieurs actes Â». C’est en effet une exposition de grande ampleur que les commissaires Frank Lamy et Julien Blanpied nous proposent de visiter.

Filmé, photographié, présenté, suggéré, le béton envahit les salles. Il s’agit du béton des grands ensembles que le père de l’artiste a contribué à construire, du béton chargé d’espoir d’un modernisme utopique, du béton d’une cité dortoir dans laquelle l’artiste a grandi et que l’environnement de Vitry-sur-Seine évoque immanquablement à ses yeux. L’espace du musée est d’ailleurs montré pour lui-même, une partie des cloisons restant nue. La Tour Robespierre, emblématique du site, fait également l’objet d’une vidéo dans laquelle un travelling ascensionnel s’achevant par une vue aérienne évoque bien l’idéal qui animait ces constructions.


Mais l’artiste nous propose aussi de scruter les fondations des immeubles pour y découvrir leurs racines. Décolonisant une histoire toujours écrite par les vainqueurs, Kader Attia rappelle l’influence qu’eût pour Le Corbusier la visite de la casbah d’Alger ou encore son admiration pour l’habitat m’zab, qui le conduisait même à surnommer sa Cité radieuse « ma Ghardaïa verticale Â». Grande oubliée du récit national, l’Algérie trouve ici sa place. Une installation laisse entrevoir dans un disque réalisé en couscous les fondations d’immeubles apparemment disparus (pendant de son Å“uvre de 2009 Ghardaïa où les immeubles étaient sculptés en couscous) et souligne cette complémentarité des espaces.


Kader Attia fait le choix de placer sur le devant de la scène les acteurs de l’histoire occultés par le discours officiel. Toute son esthétique repose sur une dynamique de réparation et de recyclage. L’artiste transforme des réfrigérateurs usagés en un ensemble de gratte-ciel. Il recolle ensemble les morceaux des photographies de villes nord-africaines et françaises et montre des films qui les rapprochent (Pépé le Moko, tourné en 1937 par Julien Duvivier et dans lequel Kader Attia s’identifie à l’enfant de banlieue que Jean Gabin interprète). Il fait apparaître sur ses sculptures comme sur le sol de l’entrée du musée des balafres qui matérialisent la réparation effectuée, au lieu de la dissimuler comme tendent à le faire les pratiques occidentales de restauration. Le corps même est exploré dans la dualité qui l’habite, comme dans la figure du travesti. Osant les rapprochements géographiques et culturels comme il le fait aussi en ce moment même dans l’exposition « L’Un et l’Autre Â» ouverte jusqu’au 13 mai au palais de Tokyo, Kader Attia demande et obtient littéralement réparation.


Il démontre également la richesse d’une culture banlieusarde prisonnière des grands ensembles du XXe siècle et longtemps dénigrée. Explorant ses propres racines, Kader Attia n’hésite pas à diffuser l’odeur de son enfance dans une salle faite de contrastes (mère cuisinière et père ouvrier, circulaire et rectiligne, couleurs chaudes et froides, aliments qui sèchent ou se désagrègent, etc.). L’artiste se livre alors à un véritable exercice autobiographique et psychanalytique. Il met également en avant le poids politique de ces espaces ignorés, notamment à travers son œuvre Résister, c’est rester invisible, réalisée en 2011 au moment du printemps arabe.


Dans cette exposition (où Frantz Fanon est directement cité par le biais d’une Å“uvre vidéo) les « masques blancs Â» tombent, les murs de sucre s’écroulent et la végétation envahit les édifices de béton photographiés. Un rendez-vous à ne pas manquer pour revoir ses fondamentaux, et l’occasion de découvrir le nouvel accrochage du musée ainsi que la réalisation de l’artiste japonais en résidence Meiro Koizumi.


Site du MAC VAL :

Texte écrit par Kader Attia en 2009 sur Le Corbusier :

Exposition au Palais de Tokyo : <www.palaisdetokyo.com/fr/evenement/lun-et-lautre>

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