Catherine Jacquot, lettre à nos lecteurs

Rédigé par Théo GUEROUX
Publié le 16/02/2016

Catherine Jacquot

« Des milliers de gens ont travaillé pour rien Â» affirmait Catherine Jacquot, Présidente du Conseil National de l'Ordre des Architectes dans les colonnes de Télérama, le 8 février dernier au sujet de l'appel à projet innovant Réinventer Paris. La polémique déferle dans la presse généraliste depuis une semaine. Sur Twitter dans un premier temps, puis via Le Moniteur, Jean-Louis Missika, adjoint à l’urbanisme de la maire de Paris, affirme que les propos de Catherine Jacquot sont « diffamatoires Â» et que les architectes ont bien été payés. Le 12 février, sous la plume de Michel Gerrin , au lendemain de ces annonces, Le Monde revient une nouvelle fois sur ces échanges entre pouvoirs publics et défenseurs de la profession. Il y a un an pourtant, lors d'une tribune, la présidente de l'Ordre avait déjà tiré le signal d'alarme en soulevant la fragilité de ce modèle inédit de concours et l'incertitude d'une rétribution pour les centaines d'architectes y participant. Face à cette polémique, Catherine Jacquot précise pour nous sa position.


14 février 2016


La dégradation des conditions économiques dans lesquelles les architectes exercent leur profession est grave. Les agences installées le constatent mais la situation est largement aggravée chez les jeunes diplômés qui ne trouvent pas d’emploi et n’ont pas d’autre alternative que de s’installer en auto-entrepreneurs avec des honoraires très bas, après six années d’études.

Dans le même temps, la privatisation de plus en plus importante de la commande, si la qualité architecturale et environnementale des constructions représente un enjeu de politique publique, impose aux élus et maitres d’ouvrage publics, une vigilance et une exigence accrues vis-à-vis des partenaires privés.

Dès le lancement de la consultation « réinventer Paris Â», nous avons émis des réserves et lancé une alerte. Une consultation de promoteurs privés qui associait à l’offre de charges foncières, un appel à projets innovants sans procédure de contrôle et de régulation pour définir les conditions d’exécution des missions des équipes pluridisciplinaires, nous a paru être une dérive périlleuse pour notre profession et tous les concepteurs associés.


Ce sont donc plus de 600 équipes qui ont accepté de travailler souvent de façon gracieuse et ce, pendant plusieurs mois. La rémunération était laissée à l’appréciation des promoteurs privés ; nous le savons, il n’est pas toujours dans leurs habitudes de rémunérer les consultations à hauteur du travail fourni, plus encore certains n’honorent leur facture qu’une fois le permis obtenu et purgé de tout recours... Nous nous efforçons de mettre en place un dialogue constructif avec les promoteurs privés pour une plus juste rémunération des équipes de maitrise d’œuvre. 

Dans une consultation de cette ampleur, lancée par la ville de Paris sur des terrains publics, il est très dommageable que la ville ne garantisse pas dès le départ des règles de bonne pratique.

Il y avait injonction d’innover ! Peut-on imaginer que la recherche en architecture puisse se faire dans de telles conditions ? Recherche et développement ont besoin de structures pérennes et de crédits alloués pour se développer.

Les agences d’architecture en investissant ainsi s’affaiblissent et seront dans l’avenir encore moins susceptibles de développer la recherche dont le bâtiment a impérativement besoin. La conception est au cœur de la transition écologique et il est nécessaire qu’avec la représentation professionnelle, l’Etat et des collectivités territoriales créent les conditions d’une viabilité économique des agences d’architecture.

Etre innovant c’est mettre fin à des pratiques surannées ou l’architecte-artiste travaille pour la gloire. L’architecte est aussi un chef d’entreprise.

Nous sommes tout à fait conscients de la mutation de notre exercice professionnel et nous proposons que l’Ordre des architectes, à un niveau national ou régional soit associé ou consulté sur l’organisation de prochaines consultations en partenariat avec les acteurs privés. C’est l’intérêt de tous d’établir des règles précises offrant une place respectueuse au travail de tous les intervenants.


Catherine jacquot



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